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Signature terroir

Bénichon. Un verger gruérien dédié à la poire à botzi

Depuis plus de quarante ans, la famille Savary cultive la poire à botzi dans sa ferme du Grand-Clos, à Sâles. Avec plus de 300 arbres, elle compte même parmi ses plus gros producteurs. Rencontre.

En 2008, la poire à botzi est devenue le seul fruit frais au bénéfice d’une appellation d’origine protégée (AOP) en Suisse.Antoine Vullioud

Sophie Roulin

Sophie Roulin

3 octobre 2024 à 14:49, mis à jour à 14:50

Temps de lecture : 4 min

Juste au-dessus de la ferme du Grand-Clos, à Sâles, cinq rangées d’arbres bien alignés, les branches tendues sur des espaliers. Ce verger, comme on en croise dans d’autres régions de la Suisse, est le seul de cette taille en Gruyère et il est entièrement dédié à la poire à botzi. Depuis 2015, la famille Savary consacre 35 ares de ses terres à cette petite poire typiquement fribourgeoise, aussi indispensable à la bénichon que le jambon et les bricelets.

«J’ai commencé à planter des arbres au début des années 1980, quand tout le monde autour de nous les sciait», note Dominique Savary. «J’ai fait une partie de mon apprentissage d’agriculteur en Thurgovie, canton de la pomme. J’avais appris la taille et la greffe. Au départ, j’ai planté 80 arbres, pour le plaisir. Ça tenait plus du hobby que du travail.» La production suffisait d’ailleurs tout juste à satisfaire les besoins de la famille, des amis et d’une clientèle de proximité.

Production triplée en 2015

En 2015, lorsque Dominique Savary s’associe avec son fils Grégoire pour exploiter le domaine, ils décident ensemble de tripler leur culture de poires à botzi. «C’était important qu’on soit aussi motivé l’un que l’autre», argumente le père. «Pour lancer une plantation, il faut investir dans des arbres et y dédier un lopin de terre, tout en sachant que durant les cinq premières années, il n’y aura aucun retour sur investissement.»

Le virus semble bien avoir touché la génération suivante: «Notre exploitation reste essentiellement basée sur l’élevage, la production de lait pour le Gruyère et le Vacherin fribourgeois», relève Grégoire Savary. «La poire à botzi est une diversification accessoire qui nous permet d’ouvrir d’autres horizons.» Parmi sa clientèle pour le fameux petit fruit, la ferme du Grand-Clos compte des privés, mais aussi bon nombre de restaurateurs.

Dominique Savary
Au départ, j’ai planté 80 arbres, pour le plaisir. Ça tenait plus du hobby que du travail
Dominique Savary

En 2008, la poire à botzi devient le seul fruit frais au bénéfice d’une appellation d’origine protégée (AOP) en Suisse, une labellisation qui porte loin sa renommée. «Grâce à nos ambassadeurs, elle s’est mise à voyager, notamment lorsque Pierrot Ayer l’a promue à bord des avions de Swiss», relève Dominique Savary, également président de la Confrérie de la poire à botzi. «Sa période d’utilisation s’est allongée avec de nouvelles recettes ou par son utilisation comme garniture de la chasse, beaucoup plus locale que l’ananas!»

Reste que, bon an mal an, les 24 producteurs reconnus par la filière peinent à satisfaire la demande, estimée à 60 tonnes de fruits par an. «En moyenne, on atteint ce quota seulement deux années sur dix», souligne Dominique Savary. Si l’arbre est vigoureux, la poire reste délicate et son rendement aléatoire. La filière espère cependant convaincre de nouveaux producteurs. «Si possible avec une meilleure répartition territoriale dans le canton, ce qui nous permettrait d’éviter les gros dégâts sur l’ensemble de la récolte lors d’épisodes de gel ou de grêle.»

Une grande fête pour la récolte

La famille Savary pourrait-elle agrandir encore son verger? «On ne l’exclut pas», répond Grégoire Savary, qui a repris la ferme du Grand-Clos à son nom en 2022. «Mais cela signifierait beaucoup d’investissement et un changement important dans notre organisation.» Actuellement, la culture de la poire à botzi se fait en complément des autres travaux de la ferme, dans les moments creux.

«La récolte tient sur une seule journée», détaille l’agriculteur. «On surveille de près la maturation et, quand c’est le bon moment, on vise un samedi et on réunit toute la famille et les amis. C’est un peu une grande fête de la botzi.» Etendre sa culture nécessiterait l’engagement de main-d’œuvre et l’acquisition de nouveaux outils.

Pour l’heure, le souci est d’optimiser chaque récolte. «Le but premier reste de vendre des fruits bruts», indique Dominique Savary. «Après, lorsque la récolte est abondante, comme c’était le cas l’année dernière, nous faisons des bocaux qui assurent une conservation sur deux ans au moins.»

Cette alternative permet aussi de fournir tous ceux qui oublient que la période de récolte de la poire à botzi, à la fin août, ne coïncide pas forcément avec la date de la bénichon… Pour obéir au cahier des charges de l’AOP, la préparation est neutre. «Cela permet à chacun d’y apporter sa recette familiale!» Quant aux fruits hors calibre, ils servent à produire de l’eau-de-vie ou de la liqueur. «On s’approche du zéro déchet!»


  • Plus d’infos sur grandclos.ch et sur poire-a-botzi.ch

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