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Signature terroir

Elevage. La viande la plus chère du monde

Depuis 2017, l’agriculteur de Vulliens Christophe Chappuis élève des bœufs wagyu. Cette race nippone est réputée pour la qualité de sa viande. Un projet singulier, découlant d’une initiative familiale. Rencontre.

Il faut compter trois ans pour qu’une bête soit prête à la vente. «Malgré la demande, il est difficile d’aller plus vite, sous peine de perdre ce persillage caractéristique», relève Christophe Chappuis.Jean-Baptiste Morel

Benjamin Bulliard

Benjamin Bulliard

Aujourd’hui à 11:46, mis à jour à 12:08

Temps de lecture : 3 min

A l’entrée de Vulliens, le regard des promeneurs aime se perdre dans de vastes praires fleuries. C’est un cadre idyllique où se plaît notamment le bétail de Christophe Chappuis. Les plus assidus reconnaîtront certainement des Aubrac, par leur teinte beige clair. Cependant, une autre partie du troupeau intrigue. La robe est plus sombre et la silhouette massive: des wagyus. Originaire du Japon, cette race bovine très prisée des gourmets est plutôt rare sous nos latitudes.

Mais comment ces bœufs ont-ils été amenés à paître dans la Broye? L’éleveur évoque alors «une aventure familiale», dont les méandres reflètent une passion pour l’élevage et les réalités agricoles actuelles.

Quatre générations

Le domaine de Christophe Chappuis a été fondé à la toute fin du XIXe siècle. Il lui est transmis quatre générations plus tard, en 2010. A la reprise, l’agriculteur abandonne la production historique de lait, faute de rentabilité, pour se lancer dans l’engraissement de veaux.

Cependant, la perte d’un fermage, en 2016, remet en question son modèle économique. Alors que le Broyard s’interroge sur l’éventualité d’abandonner l’élevage, naît un projet ambitieux, également porté par son épouse Anne-Christelle. «Nous trouvions dommage d’exploiter ce magnifique domaine sans bétail. Nous avons décidé de construire un nouveau complexe pour l’accueillir. La procédure de mise à l’enquête a été lancée en 2016 et rien n’a été simple par la suite: oppositions, recours au Tribunal cantonal, puis fédéral jusqu’à une inauguration en 2021. Un parcours du combattant.»

Christophe Chappuis
« C’est une initiative de ma femme. C’est son bébé »
Christophe Chappuis·Eleveur

En parallèle émerge l’idée d’élever une race bovine exotique, le wagyu, par souci de distinction. «C’est une initiative de ma femme, c’est son bébé, se souvient Christophe Chappuis. Tout est parti de la lecture d’un article de presse, présentant un Bâlois spécialisé dans le domaine. Nous nous sommes ouverts au projet, dans l’idée de diversifier notre production.»

Partie d’une lubie, l’aventure prend forme. Le couple voit enfin la chance lui sourire, de l’importation réussie d’une vingtaine d’embryons depuis l’Australie jusqu’à la naissance des premiers veaux en 2017. Cet épisode est toutefois stoppé net, deux ans plus tard, avec le brusque départ d’Anne-Christelle, emportée par la maladie. Il revient alors à Christophe Chappuis de développer la vente de cette viande. Un «véritable casse-tête» pour cet homme de terrain, qui n’aurait certainement pas pu s’en tirer sans le soutien de la Jeune Chambre internationale de la Broye. Naît ainsi la marque MyWagyu - Saveur du Jorat, portée par une plateforme internet de vente directe et une médiatisation bienvenue lors du lancement de l’affaire.

Une viande persillée et recherchée

Victime de son succès, le Talène élève aujourd’hui une trentaine de bêtes, dont quatre à cinq sont vendues chaque année. Le concept est simple: l’agriculteur prévoit des mélanges de pièces sous la forme de lots, évitant ainsi le gaspillage. Malgré un prix moyen de 80 francs le kilo, il faut s’y prendre longtemps à l’avance pour avoir accès à cette denrée rare.

Le bœuf wagyu, ou «bœuf de Kobé» dans sa version AOP, est une viande noble qui, à l’origine, était réservée aux empereurs japonais. Aujourd’hui, il s’agit d’ouvrir sa bourse pour pouvoir s’en procurer, avec des filets dont les prix dépassent les 300 francs le kilo.

Il s’agit donc d’une viande de luxe, faisant des émules, notamment auprès des grands gastronomes. Mais pourquoi finalement? Sa teneur en gras, tout simplement, avec un persillage aussi visuel que savoureux. Ce dernier est le fruit d’un élevage méticuleux, dont Christophe Chappuis a le secret. Si ce dernier met en avant l’attention portée à une génétique parfaite, l’éleveur doit aussi veiller à la bonne alimentation de ses protégés et surtout faire preuve de patience. «Il faut trois ans pour qu’une bête soit prête à la vente. Malgré la demande, il est difficile d’aller plus vite, sous peine de perdre ce persillage caractéristique. Il faut vraiment laisser le temps à la graisse de venir s’immiscer sur les pièces de viande, pour une saveur inimitable.»