Tendance. Le boom des balades gourmandes
A pied, en raquettes ou à vélo, les itinéraires gourmands se multiplient dans le canton. Qu’elles soient organisées à une date précise dans l’année ou ouvertes sept jours sur sept, ces activités intéressent toujours plus de monde.
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Adrien Gross
3 octobre 2024 à 00:00, mis à jour le 16 octobre 2024 à 07:30
Philippe Ayer a lancé une balade gourmande autour de Romont il y a dix-sept ans déjà. Pour lui, l’objectif des «baladeurs» est simplement de passer une belle journée. Paysages et terroir passent au second plan: c’est d’abord l’occasion de faire une sortie et de manger en extérieur qui séduit. Il se demande d’ailleurs si le terme «gourmande» est bien choisi. «En tout cas nous n’avons pas pour objectif de faire découvrir des spécialités», explique-t-il.
La balade autour de Romont accueille 500 personnes par édition, principalement des familles, des couples et des amis. «Mais il arrive que des personnes viennent seules ou que des entreprises se joignent à la balade», indique le Glânois.
Echanges intimistes
Le côté convivial de ces itinéraires est confirmé par tous les organisateurs contactés. Ces journées favoriseraient les échanges. Elles sont dès lors également prisées des milieux professionnels. La Chambre de commerce et de l’industrie du canton organisera prochainement sa 7e balade. Depuis le milieu de l’été, elle affiche complet.
Dans ses excursions, la Chambre de commerce met en relation ses membres avec des députés. L’occasion de discuter de l’actualité, dans un cadre «favorisant les échanges plus intimistes», relève Camille Bielmann, chargée de projet marketing. Dans la même veine, 100 collaborateurs de l’Etat de Fribourg ont été invités à tester le sentier gourmand des Paccots.
Programme varié
Une partie du succès des itinéraires gourmands s’explique, pour l’organisateur du Bike et Gourmet Pass, Francis Maillard, par la simplicité de leur organisation. En deux clics, la journée est réservée. Sa formule, disponible sept jours sur sept, emmène les visiteurs à vélo dans trois restaurants de l’Intyamon au détour de paysages variés et riches en patrimoine.
Une recette qui fonctionne. Sur deux ans, la fréquentation a presque doublé. En 2024, environ 200 personnes ont participé. Le public est essentiellement suisse romand, «mais de tous les cantons», précise Francis Maillard, qui accueille également quelques Français.
Selon lui, l’engouement pour ce genre de prestations vient aussi du fait que la cadence effrénée du quotidien motive les gens à retrouver la nature et son rythme lors de sorties. «Les balades gourmandes ont un côté épicurien qui fait du bien aux yeux, aux papilles et donc à la tête», s’amuse Francis Maillard.
Trop d’offres?
«L’offre augmente», confirme Léonie Chenaux, cheffe d’équipe Market & Campaign à l’Union fribourgeoise du tourisme. «Elles se sont démocratisées dans tout le canton et en représentent bien la diversité: il y en a en ville, au bord des lacs, à la campagne et à la montagne.»
C’est presque trop, à en croire certains organisateurs. Olivier Perrin organise la balade gourmande du Crêt avec l’intersociété du village. Bien qu’ils soient en mesure d’accueillir jusqu’à 500 personnes, ils peinent à dépasser les 300 participants. La multiplication de l’offre l’expliquerait. «La plupart des gens ne vont pas faire plusieurs balades gourmandes sur un été. Et cette année, six ou sept balades sont proposées dans la région.»
Malgré tout, organiser ce type d’excursion est profitable. «Pour peu que vous fassiez attention à vos dépenses, vous vous en sortez bien, reconnaît Philippe Ayer. Les sociétés avec lesquelles on travaille sont toujours prêtes à repartir après l’événement.»
Grolley. Le menu de bénichon se déguste à la force des mollets
Tartines à la moutarde de bénichon, soupe aux choux, jambon, lard, saucisson, gigot d’agneau, poires à botzi, haricots, meringues, double-crème et biscuits. A Grolley, l’abondant menu traditionnel se déguste le long d’un sentier serpentant à travers le village et ses alentours. Le samedi 21 septembre était organisée la 10e Recro’balade, une balade gourmande dédiée au recrotzon.
Ce rendez-vous annuel est né en 2013, dans le cadre du 18e Giron des jeunesses sarinoises à Grolley. D’anciens membres de la jeunesse locale ont l’idée d’organiser un parcours sur le thème du recrotzon. Cette fête, qui a lieu une ou deux semaines après la bénichon, en reprend exactement la carte, traditionnellement pour finir les restes du premier repas. «La balade gourmande est organisée à cette date, parce que durant la bénichon beaucoup de familles sont occupées», relève Zacharie Monney, président de l’organisation de la balade, rencontré lors de l’événement.
Au fil des 6 km de parcours, pendant cinq à six heures, les 230 participants savourent sept plats, tout en se creusant les méninges sur une énigme. Les gens viennent majoritairement du village ou de la proche région, mais Zacharie Monney précise que chaque année des habitants d’autres cantons en profitent pour découvrir Grolley et la gastronomie fribourgeoise.
Les promeneurs sont ravis. Une famille rencontrée à la sortie de «l’étape gigot» assure que tous les plats sont «très bons» et que les portions sont «généreuses». Le tracé qui alterne entre village et forêt est particulièrement apprécié. «C’est l’occasion de passer une journée en famille et de faire découvrir à ma fille les endroits où je vais courir», explique Jérôme, un participant qui emménagera prochainement à Grolley.
Pour réussir à servir tout ce monde, la jeunesse du village est secondée par celle de Ponthaux depuis deux ans. Cinquante-cinq personnes en tout contribuent au bon déroulement de la journée. Si les desserts ou la moutarde de bénichon sont cuisinés par les membres de la jeunesse eux-mêmes, le gros du repas est préparé par des producteurs locaux. Le boulanger et le boucher sont du village. Les fromages viennent de Misery. La plupart des produits sont locaux, tous sont suisses. Pour les organisateurs, le défi est de rester dans une gamme de prix abordable.
Cette année, la balade gourmande est facturée 80 francs. «On essaie de faire au mieux», assure Zacharie Monney, reconnaissant qu’il «n’est pas facile de dégager des bénéfices avec cet événement». «Les fournisseurs sont devenus plus chers et le matériel est plus coûteux à cause de la multiplication de ce genre de manifestation», explique-t-il.
Adrien Gross