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Signature terroir

Dégustation. Des vins qui rayonnent bien au-delà du Vully

Parole de vignerons des autres régions romandes! Les crus de l’appellation Vully sont d’une qualité exceptionnelle. Nos dégustateurs ont été séduits par ce qu’ils ont (re) découvert.

Les vins du Vully sont exceptionnels, estiment nos dégustateurs.Charly Rappo

Patrick Chuard

Patrick Chuard

3 octobre 2024 à 00:00, mis à jour le 17 octobre 2024 à 07:30

Temps de lecture : 3 min

On s’en doutait, mais il fallait le vérifier. Il paraît que les vins du Vully paradent dans la cour des grands. Des connaisseurs nous assurent qu’il sort des merveilles de ce petit vignoble de 160 hectares, qui réunit seize vignerons fribourgeois et huit vaudois. Des fins palais ne jurent que par les crus de cette «colline enchantée» depuis une à deux décennies. Il paraît, nous disait-on, que le Vully n’a rien à envier aux plus grandes régions viticoles du pays.

Pour en avoir le cœur net, nous avons convié cinq œnologues vignerons réputés pour la qualité de leur travail à venir déguster des crus du Vully sur place. Deux de nos dégustateurs vinifient dans le canton de Vaud, deux autres sur Neuchâtel et un en Valais. Le rendez-vous était donné le 28 août dernier, chez Etienne Javet, à Lugnorre. Nous avions choisi onze vins pour cette dégustation, de manière parfaitement arbitraire. Il faut dire que le choix est vaste dans une appellation où se cultivent pas moins de 26 cépages différents.

Le chasselas 2023 de Jean-Daniel Chervet se déguste dans un silence religieux. Ce vin «léger, frais, vif», voulu ainsi par son producteur, possède une intensité qui séduit immédiatement la Neuchâteloise Charlène Contesse. Sa «persistance aromatique», plaît également à Gilles Musy, œnologue à Payerne. Rebelote avec un pinot blanc du Château Montmagny. «Un vin très délicat, intéressant pour la gastronomie», estime Quentin Divernois, de Cornaux. A l’entendre, il serait «idéal pour accompagner un poisson du lac».

Charlène Contesse
« Vous serez toujours dans le juste si vous débouchez un traminer du Vully »
Charlène Contesse

Les bouteilles s’enchaînent. On tombe forcément sur le traminer, spécialité locale qu’aucun des dégustateurs ne cultive chez lui. «Il est floral et très équilibré», trouve le Valaisan Pierre-Elie Carron. Un vin idéal pour l’apéritif en été mais qui sait se montrer chaleureux en hiver. En fait, «vous serez toujours dans le juste si vous débouchez un traminer du Vully», lance Charlène Contesse. Le freiburger, l’autre vin emblématique, fait forte impression. Il s’en cultive quinze hectares au monde, dont la moitié dans le Vully où il trouve sa meilleure expression. «On a envie d’en boire et reboire, il faut carrément faire attention», sourit Pierre-Elie Carron, qui souligne qu’il s’agit «du meilleur ambassadeur de la région».

Vincent Graenicher
« J’essaie d’obtenir le même style de vins que le Vully »
Vincent Graenicher

Nouvelle bouteille, nouveau coup de cœur. Comme pour les précédentes, comme pour les suivantes. Le pinot gris 2023 de Praz plaît beaucoup. Gilles Musy loue son «goût mature avec un léger goût de noisette». Les arômes sont typiques du terroir molassique, jugent nos spécialistes. «Chez moi à Tartegnin, la terre est plus argileuse et donne des vins plus riches, parfois trop riches. J’essaie d’obtenir le même style de vins que le Vully, sans dénaturer le cépage», lâche Vincent Graenicher. Des propos qui lui vaudront sans doute de solides amitiés entre Sugiez et Salavaux… Ledit pinot gris serait idéal avec une salade composée.

Le viognier, convaincant, irait paraît-il bien avec de la volaille ou un plat épicé, tandis que le Blanc de noir de Madeleine Ruedin se marierait plutôt avec un plat au fromage. Au départ, nous agacions légèrement nos dégustateurs à leur demander toujours d’imaginer des accords gastronomiques. Mais l’heure tourne et l’appétit vient en buvant. Nous sommes enchantés d’entendre que l’Hôtel Richard Rouge (gamaret assemblée avec du merlot) serait parfait pour accompagner de la viande, par exemple une assiette de chasse. Ce vin à la robe intense et au nez complexe a également un potentiel de garde, comme beaucoup de spécialités du Vully. «Quand j’ai commencé il y a trente ans on disait à la clientèle que les vins du Vully étaient à boire rapidement, mais maintenant nous conseillons de garder les spécialités quelques années en cave», commente le producteur Jean-Daniel Chervet.

Les vins dégustés

Chasselas 2023, Domaine Chervet, Praz, 13 fr.

Pinot blanc La Griffe 2023, Caves du château de Montmagny, 16,10 fr.

Pinot gris 2023, Cave du Vieux Praz, 20 fr.

Viognier 2023, Domaine Villarose, Mur, 19,60 fr.

Blanc de Noir Ötreblanc 2023, Madeleine Ruedin, Salavaux, 22 fr.

Freiburger 2023, Domaine Derron, Môtier, 24 fr.

Chardonnay Les Cutres 2021, Le Petit Château, Môtier, épuisé (cuvée 2023: 36 fr.)

Traminer 2023, Domaine de Chambaz, Môtier, 31,80 fr.

Pinot noir 2023, Javet & Javet, Lugnorre, 24 fr.

Hôtel Richard Rouge 2023, Schmutz Vins, Bas-Vully, 19,50 fr.

Syrus 2022, Cave aux Hirondelles, Praz, 24 fr.

Lauriers internationaux

Le traminer et le freiburger, les deux cépages phares du Vully, viennent de décrocher des lauriers internationaux. En août, les onze producteurs vuillérains qui ont participé au concours IWC Vienna – International Wine Challenge, le plus grand championnat international de vins – ont ramené pas moins de cinq médailles d’or et onze médailles d’argent. Le petit vignoble valdo-fribourgeois rivalise donc bien avec les meilleurs crus du monde. Le traminer et le freiburger, deux cépages amenés au Vully par Louis Chervet, de Praz, dans les années 1950, donnent tout leur potentiel sur le sol de molasse et le climat lacustre de la colline enchantée. Ils sont portés par une charte de qualité depuis 2013.

Deux coups de cœur: un chardonnay et un pinot

Nous avons demandé aux dégustateurs de désigner le meilleur vin de la sélection, ou alors les deux meilleurs en prenant un blanc et un rouge. Plus facile à dire qu’à faire! «La qualité de tous ces vins est magnifique!» lance Vincent Graenicher, de Tartegnin. «Nous venons de déguster onze vins provenant de caves différentes et la plupart étaient impressionnants, avec un niveau global très élevé.» Le reste du jury acquiesce. D’accord, mais on ne va pas faire comme à L’Ecole des fans… il faut trancher. Finalement, le chardonnay Les Cutres 2021 des frères Stéphane et Fabrice Simonet, à Môtier, récolte le plus de suffrages (3e depuis la gauche sur la photo de g.). «Fabuleux!» commente quelqu’un. Malheureusement la Cave du Petit Château n’a plus de chardonnay de ce millésime à vendre. Mais celui de 2023 devrait être commercialisé à Noël. Ce type de spécialités a un potentiel de vieillissement. Le deuxième vin qui a le plus impressionné les dégustateurs était le pinot noir 2023 de Javet & Javet (1er à g. sur la photo de dr.). «Très intéressant par sa complexité, avec du fruit et des épices au final. L’accord avec n’importe quel mets de cuisine sera facile», dit Charlène Contesse. «J’ai mis de nombreuses années pour arriver à ce profil de vin, éloigné des pinots légers. Il reste à changer l’image qu’a encore ce vin dans le grand public», commente Etienne Javet. Un de ses collègues rappelle que le pinot, difficile à vinifier, peut devenir «le plus grand des vins mais aussi le plus mauvais». A Lugnorre, on est clairement dans le premier cas.

Nos cinq dégustateurs

Quentin Divernois, à la tête du domaine familial du même nom à Cornaux (NE), commercialise 14 appellations différentes, issues des cépages cultivés sur 4,5 hectares entre les lacs de Neuchâtel et de Morat. Il a été primé pour son Divico. Voisin du Vully, il est le dégustateur qui suit de plus près ce que font «les vignerons d’à côté».

Charlène Contesse, œnologue diplômée de Prangins, vinifie sa propre production depuis 2019 à Saint-Blaise (NE), sous l’appellation Clos-aux-Moines. Sa production se partage entre pinot noir et chasselas. Les ceps de son vignoble «non mécanisable» sont travaillés à la main de manière biologique.

Gilles Musy, œnologue qui a travaillé plus de dix ans dans le Vully, a repris en tandem la Cave L’Abbatiale à Payerne, depuis 2019. Avec pour ambition de faire monter en gamme et diversifier la production des 13 hectares que la ville broyarde possède en Lavaux (VD). Mission accomplie avec l’appellation Partisseurs.

Vincent Graenicher a pris les rênes du domaine familial de Tartegnin (VD) en 2012. Il produit plusieurs cépages mais le chasselas prédomine dans sa production. Artisan créatif, il commercialise notamment un chasselas sélectionné ainsi qu’un merlot élevé en amphore de terre cuite durant sept ou huit mois.

Pierre-Elie Carron, vigneron-œnologue à Fully (VS), produit une gamme de 19 vins sur un domaine de 8 hectares qu’il a repris en 2016, à l’âge de 24 ans. Le Gault&Millau vient de lui décerner le titre de Rookie 2025. Ses crus ont décroché des médailles, notamment au Grand Prix des vins suisses ou au Mondial des pinots.

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