Trop tôt pour l’ordi personnel au CO
L’Etat n’entend pas introduire les appareils personnels à l’école obligatoire. Pour l’instant du moins
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Magalie Goumaz
22 février 2020 à 02:01
Education » L’idée que tous les élèves aient un ordinateur personnel en classe n’est pas encore d’actualité. Hier, le Conseil d’Etat a annoncé qu’il n’entendait pas étendre aux cycles d’orientation un concept de type BYOD/AVEC, qui permettra aux collégiens de travailler en classe avec leurs propres appareils dès la prochaine rentrée scolaire. Pour l’instant du moins.
La prise de position du Conseil d’Etat répond à une motion d’Urs Perler (cg-pcs, Schmitten) et de Daniel Bürdel (pdc, Planfayon). Pressés et indifférents à l’agitation qui entoure l’approche BYOD/AVEC, les deux députés ne demandent pas seulement une modification de la loi scolaire afin d’y inscrire la question des ordinateurs individuels au niveau du cycle d’orientation déjà. Comme il s’agit encore de la scolarité obligatoire, les motionnaires appellent l’Etat à assumer l’entier des frais, contrairement au concept BYOD/AVEC qui s’applique aux écoles du secondaire de deuxième degré et implique que les parents paient l’équipement de leurs enfants. Actuellement les cycles d’orientation disposent d’une machine pour cinq élèves.
Rythmes différents
Ce n’est pas un hasard si les motionnaires sont issus du district de la Singine. Car Alémaniques et francophones ne sont pas logés à la même enseigne. Les premiers ont pris de l’avance. Ils suivent le Lehrplan21, lequel comprend déjà des leçons en sciences des médias et en informatique en 7H, 8H et 9H. Et certains établissements permettent l’usage d’appareils individuels.
Les francophones suivent pour leur part le Plan d’études romand (PER). La création d’un PER numérique pour l’école obligatoire est toujours en discussion. «Nous attendons les résultats de travaux menés par différents groupes de travail ainsi que des spécialistes pour prendre des décisions», explique le conseiller d’Etat Jean-Pierre Siggen, par ailleurs président de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP). La réflexion concerne autant l’introduction d’une éducation aux médias que les questions de logiciels et de matériels qui seraient adaptés aux différents degrés.
Le sujet divise. Introduit pour une phase pilote au Collège de Gambach, BYOD/AVEC est contesté, notamment par l’Association fribourgeoise des professeurs du secondaire supérieur. Et les militants pour le climat récoltent en ce moment des signatures pour une motion populaire demandant un moratoire, le temps d’étudier les conséquences de la numérisation en classe, notamment sur l’environnement et la santé.
Jean-Pierre Siggen avoue qu’au niveau romand, les discussions sont aussi intenses et les avis partagés. «Nous retrouvons les mêmes fronts qu’à Fribourg, avec les questions soulevées par le projet BYOD/AVEC. Ce n’est pas pour rien que les travaux au sein de la CIIP durent plus longtemps que prévu», confie le conseiller d’Etat. Toujours est-il que le PER numérique est attendu pour 2021 et que le canton de Fribourg compte le mettre en œuvre à l’horizon 2023 ou 2024. «Je ne veux rien précipiter, mais je ne veux pas non plus qu’il y ait trop d’écart entre les élèves alémaniques et les élèves francophones», déclare Jean-Pierre Siggen. Des travaux ont ainsi déjà été lancés pour l’élaboration d’un concept cantonal sur la numérisation de l’école obligatoire, qui s’appuiera sur le PER numérique.
Deux financements
En soulevant l’aspect financier, les députés posent cependant une bonne question. Actuellement, l’équipement informatique de l’école obligatoire est une tâche communale. La motion d’Urs Perler et de Daniel Bürdel, qui demande que le canton assume les coûts de l’introduction de l’ordinateur individuel au CO, introduirait deux systèmes de financement: par les communes pour les élèves de 1H à 8H et par l’Etat pour les élèves de 9H à 11H (cycle d’orientation).
Dans sa réponse aux motionnaires, le Conseil d’Etat a fait le calcul et évalué le coût global d’un concept 1:1, soit un appareil pour un élève, dans les cycles d’orientation fribourgeois. Il s’agirait d’acquérir 11126 appareils, mais également de mettre à niveau les infrastructures techniques (bande passante, prises électriques, câbles, antennes WiFi, etc.). A ces frais, s’ajoutent le support technique et administratif, la maintenance et la formation du corps enseignant. Total: 18,5 millions pour les quatre années de déploiement initial, dont 2,5 millions à charge des communes pour l’adaptation des infrastructures. Et c’est compter sans la création de six postes de travail pour gérer le projet à ses débuts et l’équipement informatique pour le corps enseignant. Par la suite, le renouvellement du parc informatique nécessiterait un budget annuel de 4,9 millions, à charge du canton.
Coprésident de la Fédération des associations fribourgeoises d’enseignants, Gaétan Emonet est aussi soucieux de l’aspect financier de l’ordinateur à l’école. «Cela fait un moment que l’on constate une disparité flagrante dans l’équipement des écoles selon que la commune est riche ou moins riche et ça ne va pas», lâche-t-il. Pour lui, l’argent est le nerf de la guerre. Mais pas seulement. Il soutient l’idée d’un moratoire, le temps d’éclaircir les questions liées au financement, mais aussi aux contenus pédagogiques, aux risques sanitaires ou encore aux besoins en formation des enseignants. «Avec BYOD, on a voulu aller trop vite. Le dossier n’est pas prêt», estime-t-il.
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