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Suisse

Transformer la police

Davantage de diversité est requise dans l’institution. Mais quel est le réel potentiel pour la changer?

Reportage avec la police cantonale fribourgeoise. Ici à la gare de Morat (contrôle et présence). Photo Lib/Alain Wicht, Morat, le 28.02.2018Alain Wicht/Alain Wicht/La LibertŽ

 Igor Cardellini

Igor Cardellini

5 octobre 2020 à 20:49

Temps de lecture : 1 min

Racisme » Dans le sillage du mouvement Black Lives Matter, des vagues d’indignation ont gagné la Suisse face à la multiplication des interventions policières controversées jugées brutales et racistes. Des parlementaires ont pris le relais. Dans le canton de Vaud, des élus pointent une homogénéité problématique au sein de la police. Ils demandent notamment une ouverture de l’accès au métier pour les permis C dans l’espoir de lutter contre le racisme dans les corps policiers.

Mais est-ce que rendre la police plus diverse peut suffire à régler ce problème récurrent? David Pichonnaz, sociologue du travail à la HES-SO Valais-Wallis et auteur de Devenirs policiers publié en 2017 après six ans d’enquête auprès de recrues et de corps policiers romands, éclaire les facteurs qui agissent sur le racisme et le sexisme policiers.

Comment le racisme et le sexisme au sein des polices romandes ont-ils évolué ces dernières années?

David Pichonnaz: Il y a d’importantes différences selon les corps de police. Mais la multiplication des affaires ces dernières années laisse penser que la situation s’aggrave. Mes recherches montrent la présence d’une forte culture du soupçon à l’égard des migrants au sein de la police en Suisse romande. Concernant le sexisme, des cas graves m’ont été relatés récemment et toutes les policières rencontrées mettent en avant qu’il n’est pas facile de pratiquer ce métier en tant que femme. La police a une culture viriliste qui tend à exclure les femmes et à valoriser les attributs habituellement associés aux hommes. Dans la plupart des corps de police, pour les cadres et sur le terrain, être un bon policier c’est être un homme, Blanc, de nationalité suisse, et fort physiquement.

Quels sont les facteurs qui favorisent ou limitent le racisme et le sexisme?

Le travail lui-même a une influence importante. La frustration générée par le fait d’exécuter des tâches insatisfaisantes et vaines, comme lutter contre le deal de rue, peut faire naître ou renforcer ou initier des visions négatives, par exemple des migrants notamment. Etre confronté à un groupe ethnique en particulier avec des outils uniquement répressifs qui sont inefficaces, c’est la porte ouverte à des généralisations abusives. Surtout si l’on n’a pas conscience que ce sont les conditions de vie et non la nationalité ou la couleur de peau qui produisent les comportements délictueux. Pour éviter les tensions et dérapages, il faut donc soigner les conditions de travail des policiers, et revoir leur formation.

La formation actuelle est-elle adaptée?

Elle ne transforme pas les préjugés racistes ou sexistes car elle est peu axée sur ces questions. Elle est largement consacrée à l’usage de la contrainte. Les compétences relationnelles sont très minoritaires dans le plan d’études alors que ce sont celles qui sont les plus utiles sur le terrain. La formation est très lacunaire en termes d’interculturalité ou de lutte contre le racisme et les jeunes recrues sortent très peu armées pour comprendre les phénomènes sociaux auxquels elles et ils sont confrontés tous les jours. Cela peut renforcer des préjugés déjà présents. Or, on sait que quand on comprend mieux les phénomènes auxquels on a affaire, on est plus empathique.

Ce problème est-il spécifique à la police?

Qu’il s’agisse du racisme ou du sexisme, il serait naïf de penser que cela ne concerne que la police. Ce sont des problèmes structurels, c’est-à-dire qui concernent toute la société. Partout, il est plus difficile pour les personnes racisées d’obtenir un bail, un poste de travail ou, comme pour les femmes, de progresser professionnellement. Cependant, dans la police, les visions négatives des personnes migrantes et les présupposés d’incompétence des femmes sont très forts. C’est en partie lié à l’histoire de la police, constituée et conçue comme un corps masculin, proche de l’armée et orienté sur la force, mais aussi à un manque de volonté politique et des institutions policières de changer les choses.

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