Loi climat. Des larmes de soulagement
L’ambiance était à la fête ce dimanche dans le stamm des partisans de la loi climat, en ville de Berne. Le «oui» du peuple fait office de signal contre «une écologie punitive», estiment certains parlementaires. Récit
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Bayron Schwyn, ESH Médias
19 juin 2023 à 04:01
Environnement » Nervosité et tension sont palpables ce dimanche matin au stamm bernois des partisans de la loi sur le climat et l’innovation. Le refus cinglant de la loi CO2 par le peuple deux ans plus tôt reste présent dans les esprits, alors que les derniers sondages prévoyaient encore un affaiblissement du «oui».
Mais le suspense est finalement de courte durée. A midi pile, la première projection d’un vote en faveur de la loi est accueillie par des cris et des acclamations. Puis, trente minutes plus tard, au moment où les résultats estimés à 58% de «oui» tombent – et qui seront finalement confirmés à 59,1%, avec une participation de 42% – la grosse centaine de personnes présentes éclate de joie.
Partout, les visages crispés font place à de larges sourires. Les yeux embués, des militants s’enlacent, lâchant par là même des flots de «mercis» autour d’eux. Prosecco et gâteaux aux couleurs bleu et orange de la coalition sont servis dans la foulée pour savourer la victoire.
Don’t stop me now
Dans la foule, Marcel Hänggi rayonne. Sept ans et demi plus tôt, ce journaliste zurichois imaginait l’initiative pour les glaciers, qui conduira finalement, après son retrait, au vote du jour. Au moment de l’approcher, il nous échappe et court sur scène, guidé par les bruits des canons à confettis et les mots définitifs de la co-cheffe de campagne à 12 h 43: «Nous avons gagné!» Don’t stop me now de Queen retentit. A la tribune, certains intervenants, submergés par l’émotion, peinent à retrouver le fil.
«C’est un grand soulagement. Savoir qu’une grande partie de la population est à nos côtés nous aide énormément, car la lutte contre la crise climatique n’est jamais finie», nous souffle Marcel Hänggi, déjà tourné vers l’après. «Je me sentais très mal hier. J’essayais d’apprendre mon discours en cas de «non» par cœur, et je me suis rendu compte que ça m’était complètement impossible», confie-t-il.
Le père de famille ne regrette rien de ce combat long et intense. «J’en ai eu marre parfois. Mais je me disais que ce projet était comme mon troisième enfant. Comme mes filles, il m’énervait parfois, mais je ne pouvais absolument pas l’abandonner.»
Un peu plus loin, le Prix Nobel Jacques Dubochet sourit d’un air malicieux: «Une première étape est franchie. Mais je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut en faire beaucoup plus, et changer radicalement nos modes de vie. En Suisse, mais aussi dans le monde.»
Un militant fribourgeois de 26 ans relâche la pression: «C’est sécurisant de savoir qu’on va dans la bonne direction. Vers un avenir digne d’être vécu.» Un autre confesse même avoir lâché une larme en voyant les résultats.
Un signal contre les taxes
Le coprésident du PS, lui, peine encore à croire au résultat. «C’est énorme. L’ampleur du «oui» est impressionnante. C’est le début d’un changement de logique», se réjouit Cédric Wermuth. «Le peuple a clairement dit que la voie qu’il fallait prendre était celle d’un Etat qui soutient les citoyens, et non pas qui les punit. La justice climatique doit être au cœur de la suite, avec une approche collective, pas individualiste et moraliste.»
La conseillère nationale Jacqueline de Quattro (plr, VD) fait la même analyse: «La population est ouverte aux changements et prête à faire certaines concessions. Mais elle ne veut pas d’écologie punitive. Comme le «non» élevé l’indique, il faut rester dans les incitations et éviter toute taxe ou interdiction.»
Plus jamais de projet de taxes à l’avenir, donc? La verte Valentine Python ne répond pas frontalement: «Si on veut en introduire, il faut qu’elles soient socialement justes», élude la conseillère nationale vaudoise.
Sans surprise, ce n’est que le début du combat pour le climat et la biodiversité selon elle: «Nous avions pris beaucoup de retard dans nos engagements et sommes enfin sur les rails. Mais cela ne sera pas suffisant en soi. Nous, les Verts, voulons notamment lancer des mesures pour les transports, aussi fortes que celles prévues dans cette loi pour les bâtiments.»
Pour Jürg Grossen, président des Vert’libéraux, le souvenir du rejet de la loi CO2 est encore vif. Désormais, la situation est «corrigée» et nous prenons le «bon chemin», avec «des objectifs clairs», selon lui. Il faut toutefois rester «humble» face à la tâche qu’il reste à accomplir. «La loi climat n’est qu’une pièce du puzzle», image le conseiller national bernois. «Il faut désormais mettre de l’énergie sur toutes les autres propositions en discussion pour notamment favoriser le développement des énergies renouvelables.»
Campagne «mensongère»
Dans les discussions, la campagne menée par les opposants à la loi climat est ardemment critiquée. Leurs «mensonges» sont dénoncés à maintes reprises. A tel point que le conseiller aux Etats Ruedi Noser (plr, ZH) voyait dans ce vote un «Trump-test pour la démocratie directe suisse».
Réussi? Pas vraiment, pour Jacques Dubochet: «41% des votants ont dit «non». Ils ont perdu le sens des réalités. C’est inquiétant.»
En collaboration avec Guillaume Chillier
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