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Courrier des lecteurs

Encore un vénérable végétal victime du syndrome minéral


Paul Esseiva, Fribourg

Paul Esseiva, Fribourg

30 décembre 2024 à 11:07

Temps de lecture : 2 min

Ce cher marronnier, résidant humblement au milieu de la place du Petit-Saint-Jean, à Fribourg, qu’on accuse d’être devenu vieux, malade et dangereux, tient quand même du miracle pour se dresser encore fièrement depuis cent ans, face à l’agitation et la pollution urbaines. Avec son énergie et son ancrage, il a grandi là, mûri, puis survécu sur quelques mètres carrés, il a tant offert de réconfort à la multitude par sa noble et sage présence silencieuse. En outre, il a si peu coûté à la collectivité. Il aura plutôt largement contribué au BNB (bonheur national brut).

Ne sommes-nous pas ingrats? Et que penser de ces intentions déjà préoccupées du futur des précieuses reliques débitées à la tronçonneuse? Sa ramure nous abrite, son pourtour nous rassemble. Son feuillage est le confident de nos âmes bruissantes. Ses racines lisent les vibrations du vivant qui grouillent dans l’Auge, avec ses variations d’humeur, et connaissent par excellence ce qui se dérobe à nos yeux. Même les murs enfouis, tuyaux, vieux os et mystérieux joyaux dormant sous terre n’ont plus de secret pour cet arbre vénérable.

En 2025, il est prévu que l’archéologie, le génie civil, le paysagisme et l’art plasticien viennent, après son trépas programmé, sonder, creuser, piocher et cicatriser à la force du crédit d’ouvrage. Vieilles pierres exhumées, béton, ciment, nouveaux pavés, place en gravier concassé seront à l’honneur! Cependant, je n’ose imaginer le vide laissé par cette défunte mémoire végétale, victime du syndrome minéral.