BD. dans «Les Indomptés», Blutch rend un vibrant hommage à Lucky Luke

«Etranger, un matin, tu te retournes et tu réalises que tu n’as pas vécu.» On peut dire que le syndicat d’initiative de Rubbish Gulch se soucie peu de savoir si les voyageurs feront un long séjour au saloon local où s’ils finiront enterrés, bottes aux pieds, à Boot Hills (le cimetière). Qu’importe, ça se passe toujours ainsi dans l’Ouest sauvage. D’ailleurs le cow-boy, qui chevauche tranquillement vers la cahute du shérif avec son prisonnier, n’a même pas remarqué l’avertissement. Lucky Luke, c’est lui, en a vu d’autres. Une fois sorti de la ville, il n’aurait cependant pas imaginé se faire braquer par Rose, une fillette coriace armée d’une antique pétoire et accompagnée par le craintif Casper. Respectivement sœur et frère de Rufus, le jeune homme que Luke vient de placer sous les barreaux, les deux mômes sont les rejetons abandonnés d’un bandit redoutable recherché de Rubbish Gulch à El Paso. En dépit de son aversion pour les enfants, le cow-boy solitaire va devoir jouer les nounous…

On a rarement vu Lucky Luke aussi à cran que dans Les Indomptés, sa dernière aventure en date. Publié en parallèle à la série principale créé par Morris en 1946, cet album hommage est le fruit de l’imagination de Blutch (Christian Hincker à la ville), un Alsacien de 56 ans qui figure aujourd’hui parmi les auteurs majeurs du neuvième art francophone grâce à des réussites telles que Mish Mash, Variations ou La Mer à boire. Dans la suite d’un palace lausannois offrant une vue panoramique sur les eaux, ce jour-là tourmentées, du Léman, celui qui doit son surnom à sa ressemblance avec le héros éponyme des Tuniques bleues commence par citer un dialogue de La horde sauvage: «Tous les hommes aspirent à redevenir des enfants. Même les pires d’entre nous. Surtout les pires d’entre nous.» Ça nous apprendra à lui avouer le plaisir enfantin qu’on a éprouvé à la lecture des Indomptés.