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Vaud

Le suicide assisté fait son chemin

Une étude au CHUV et aux HUG montre un taux d’acceptation de cette pratique plus élevé que prévu du personnel hospitalier


Raphaël Besson

Raphaël Besson

11 janvier 2023 à 02:01

Fin de vie » Réalisée en 2018 et 2019, mais publiée fin 2022, l’étude sur l’attitude du personnel hospitalier envers le suicide assisté au sein de l’institution bouscule certaines croyances et montre une ouverture plus grande que prévu, y compris dans l’implication du monde médico-soignant. Avec des réponses de quelque 5000 collaborateurs des HUG et du CHUV sur 13 000 personnes interrogées, elle relève que 73% des sondés approuvent le suicide assisté en milieu hospitalier, contre 13% d’oppositions.

Plus de 57% des soignants disent envisager de recourir eux-mêmes à cette méthode. Quant à l’implication du personnel médical dans l’assistance au suicide, 70% affirment qu’il faut laisser le choix à chacun d’y participer, alors que près de 20% estiment que les professionnels doivent se conformer aux demandes des patients, et que 7,2% jugent qu’ils ne doivent pas s’engager.

Ralf Jox, neurologue, palliativiste, spécialisé en éthique médicale, professeur à la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL) est l’un des auteurs de cette étude, Entretien.

Avez-vous été surpris par les résultats de cette étude?

Ralf Jox: Oui, j’ai été étonné par le taux d’acceptation de la pratique à l’hôpital, alors que beaucoup de cliniciens viennent du sud de l’Europe ou de régions avec une tradition culturelle autre. Il y a une différence nette entre les médecins et les non-médecins. Les médecins sont les plus sceptiques, peut-être à cause de leur déontologie plus traditionnelle. Les infirmières, qui sont plus proches des patients, sont largement soutenantes. Ce qui m’a aussi surpris, c’est cette ouverture à être plus impliqué dans le processus d’assistance au suicide.

Vous parleriez d’un changement de paradigme?

A mon avis, ça marque plutôt une évolution graduelle des mentalités par rapport à l’assistance au suicide à l’hôpital. Traditionnellement les hôpitaux ont toujours été très réticents, y compris ici en Suisse romande, alors que c’est toujours interdit dans les hôpitaux alémaniques. Ici dans le canton de Vaud, mais aussi à Genève, Neuchâtel et en Valais, il y a des lois cantonales et des directives institutionnelles qui règlent cette pratique avec des critères assez stricts bien sûr. Au CHUV, c’est entre deux et quatre cas par année. L’étude montre justement que le personnel médico-soignant est plutôt en faveur, prêt à accompagner des patients.

Aujourd’hui, les 2 à 4 cas au CHUV, c’est sans participation du personnel médico-soignant?

Participation est un mot un peu flou. La prescription et la mise à disposition de la substance létale sont toujours organisées par l’association Exit. Mais il y a quand même une certaine participation de l’équipe. Il faut quelqu’un qui atteste de la capacité de discernement du patient, parfois il faut même quelqu’un qui pose une voie veineuse si la personne ne peut pas boire la substance létale.

Cette étude montre qu’il y a une proportion non négligeable de gens du monde médico-soignant qui envisagerait d’être plus active?

Ce qui est intéressant, c’est que dans le canton de Vaud, c’est interdit que le médecin hospitalier donne la prescription directement, mais dans notre étude, il y a pas mal de médecins qui nous ont dit qu’ils seraient prêts à être plus actifs. Cela peut même arriver qu’une équipe hospitalière tienne à accompagner son patient jusqu’à la fin, même pour un projet de suicide assisté, pour ne pas le lâcher. Il y a un vrai changement d’attitude.

Comment l’expliquez-vous?

Il y a plusieurs raisons. Il y a une assez bonne collaboration avec Exit à Lausanne par exemple. Deuxièmement, on respecte de plus en plus l’autonomie du patient, on l’écoute. Pourquoi par exemple quelqu’un veut-il avoir recours à l’assistance au suicide? Pourquoi plutôt à l’hôpital qu’à la maison? Le CHUV a changé sa directive il y a trois ans environ en acceptant davantage de raisons sociales, si par exemple quelqu’un ne veut pas retourner à son domicile. Avant, c’était exclusivement pour des raisons médicales. Le changement d’attitude est général. L’Association suisse des soins palliatifs est en train de rédiger, pour la première fois dans son histoire, une directive par rapport à l’assistance au suicide, ce qui était complètement inimaginable il y a dix ans. Il y a donc une normalisation, une acceptation de cette pratique.

Nous sommes au niveau de la recherche, d’une étude, mais au niveau légal, voyez-vous aussi une évolution possible?

Je ne vois pas de changement à court terme, au moins au niveau national parce qu’il semble que la population suisse est assez d’accord avec cette situation légale qui ne règle pas la pratique en détail. Des cantons romands ont légiféré. Actuellement il y a une vive discussion à Zurich pour l’assistance au suicide dans les EMS parce que lorsqu’il y a un EMS qui interdit toute assistance au suicide, le résident doit louer une chambre d’hôtel. Je ne vois pas à court terme une loi nationale, mais des lois cantonales, à l’instar du Valais qui vient de se prononcer. Un jour ou l’autre, il y aura un canton germanophone qui va suivre. Une telle étude, comme celle réalisée sur Vaud et Genève, serait donc très intéressante pour décortiquer la situation en Suisse alémanique.

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