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Comment créer des fondations pour soutenir la presse d'information, aussi à Fribourg? Explications


 Gilles Labarthe

Gilles Labarthe

23 mars 2021 à 02:01

Perspectives » Plusieurs cantons romands débattent de l’idée de créer des fondations pour favoriser la diversité de la presse et soutenir les médias d’information, sur l’exemple de mesures d’aide déjà en vigueur dans des pays voisins. Des projets de loi et motions sont en discussion depuis 2018 à Genève et Lausanne, tandis que le Conseil d’Etat de Fribourg a aussi été sollicité en ce sens via un postulat déposé en janvier 2021 par deux députés au Grand conseil, Benoît Rey (Centre-Gauche PCS) et Grégoire Kubski (PS). Malgré les oppositions et parfois de fortes divergences, des arguments communs pourraient finir par l’emporter, notamment: répondre de manière rapide et efficace à l’ampleur de la crise frappant le secteur, mais aussi replacer l’information d’intérêt public, la participation citoyenne et les lecteurs au coeur du processus. Interview de Grégoire Kubski.

Quelle est l’origine de ce postulat?

Grégoire Kubski: C’est à la suite de plusieurs annonces de suppressions de postes parmi les médias fribourgeois (dont celles du Freiburger Nachrichten, le 13 janvier dernier, ndlr). Dans le contexte de la crise des modèles économiques, puis de la crise sanitaire qui affecte depuis le printemps 2020 les différents acteurs médiatiques du canton, il nous paraît important de dresser un état des lieux pour mieux comprendre la situation et trouver des pistes. Ce postulat en suggère plusieurs, et sans tabou, pour soutenir pas seulement de manière provisoire mais aussi dans la durée la pluralité des médias qui assurent une part essentielle de service public. L'aide urgente accordée en période de Covid-19 est importante, mais pas suffisante à terme.

Avez-vous pris en exemple des projets similaires?

L’idée de la fondation est inspirée du projet de loi déposé en 2018 par la députée genevoise Caroline Marti (socialiste ndlr, voir ci-dessous) pour promouvoir la diversité de la presse. Il y a là des pistes à explorer pour Fribourg. L’avantage de créer une fondation cantonale pour les médias comme structure d’aide à la presse, est de pouvoir s’adresser à l’Etat, aux collectivités et/ou aux entreprises, fonds privés et mécénat pour assurer leur financement. La mention de ces différentes possibilités dans notre postulat vise à éviter que l'Etat se cantonne à un type d'aide bien déterminé dans son futur rapport. Et le lectorat doit pouvoir participer à cette structure.

Quelle serait la place des lecteurs?

Je pense que tout l’intérêt serait de pouvoir intégrer les lecteurs dans le Conseil de fondation, dans la mesure où il est non seulement important que la population soit davantage invitée à participer à la gestion des dépenses publiques, mais aussi car le lectorat doit avoir son mot à dire dans le financement public des médias. A Genève, le projet de loi proposait un conseil de fondation composé pour un tiers de spécialistes du domaine des médias nommés par le Conseil d’Etat, pour un tiers de représentants de la profession nommés par le secteur des médias lui-même et, pour un tiers, de lecteurs manifestant leur intérêt à participer. Cela offre déjà un champ de réflexion en faveur d’une plus grande participation citoyenne sur le plan cantonal.

Certains médias ont-ils tendance aujourd’hui à oublier leurs lecteurs?

Non, à l’inverse! A Fribourg nous avons encore la chance d’avoir une presse diversifiée, avec une couverture de l’actualité locale de qualité, indépendante des grands acteurs nationaux de presse. Bulle et le sud fribourgeois bénéficient par exemple d’une excellente couverture avec le titre La Gruyère. Cette richesse de la couverture des actualités locales ne va pas de soi, certains cantons et certaines communes rurales ne l'ont pas – ou plus. Nous devons trouver des solutions pour assurer cette diversité des médias et travailler sur la sensibilisation, surtout à une époque où les modèles économiques des médias vacillent. Il faut qu’il y ait un débat sur la diversité des médias que l’on souhaite garantir dans notre canton. Et les lecteurs ont envie d’avoir leur mot à dire si des deniers publics sont dépensés. Il est nécessaire de permettre y compris aux citoyens lambda de se prononcer, et pas seulement à une catégorie d’élites politiques.

Ailleurs, certaines communes proposent déjà une forme d'aide via par exemple des abonnements aux journaux d'information pour des jeunes atteignant leur majorité...

Ces mesures destinées aux jeunes sont importantes pour les sensibiliser aux usages des médias, les aider à ses forger des idées, des opinions. Sinon, où aller chercher de l'information fouillée? On ne peut laisser les jeunes se limiter aux médias gratuits avec des articles rédigés à la va-vite et à des commentaires postés sur les réseaux sociaux et internet. Quand je vois le nombre de fausses informations qui circulent chez les jeunes au sujet de la pandémie et des vaccins par exemple, ça me rend fou. J'en entends y compris auprès de connaissances plus âgées, et pourtant bien formées. C'est la preuve même qu'on ne peut pas continuer à s'informer à la légère. L’autre jour j’ai encore vu un film documentaire qui montrait comment aux Etats-Unis des recherches «scientifiques» sont en fait liées à l’industrie du tabac, qui fabrique et diffuse de fausses informations pour contrer les études prouvant les effets négatifs au niveau de la santé… Ces lobbies parviennent à occuper une place énorme dans le débat, grâce à leurs relais sur les réseaux sociaux…

Quelles sont les prochaines étapes pour votre postulat?

Le but du postulat est que l’Etat se saisisse de la demande, fasse un état des lieux et envisage les différentes possibilités. Le Conseil d’Etat doit prendre position dans les cinq mois après le dépôt du postulat. Si le postulat est accepté par le Grand Conseil, il a ensuite douze mois pour rédiger son rapport.

 

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