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Au fil de la Sarine

Les gorges entre La Tine et Montbovon, paradis pour les adeptes de canyoning

A la frontière du Pays-d’Enhaut et de l’Intyamon, les adeptes de canyoning pourront passer à l’action. Ou se laisser flotter à des rêveries aquatiques

René Pernet, notre guide: les gorges entre La Tine et Montbovon n’ont plus de secret pour lui.

 Pierre Salinas

Pierre Salinas

18 juillet 2022 à 17:39

Série d’été (2/7) » La Liberté vous emmène au bord de la Sarine. Du col du Sanetsch, où elle prend sa source, jusqu’à Golaten, où elle se verse dans l’Aar. Sept semaines d’été pour autant d’arrêts sportifs.

Rendez-vous avait été donné un lundi au 33 de la route du Pré, à Château-d’Œx. Là, une ancienne scierie transformée en salon «cosy» avec cuisine, vestiaires et terrain de beach-volley accueille les adeptes de sports de plein air, qu’ils soient intrépides solitaires, collègues de travail ou potes en goguettes. Bruyante, la Sarine s’écoule en contrebas. Déjà, elle n’est plus bernoise, se déverse en cascades avant de sillonner des gorges qu’elle a elle-même dessinées. L’endroit est propice au rafting, à l’hydrospeed ou au safariyak, un canoë monoplace, mais se prête encore davantage à la randonnée aquatique, plus connue sous le nom de canyoning – les apparatchiks de la langue française parleront de «canyonisme.»

«Ce que je préfère? C’est vrai que j’aime bien le canyoning…» lâche René Pernet, 56 ans, directeur de Rivières et aventures, société qui investit les lieux. Et notre guide pour la matinée – comptez trois heures à trois heures et demie au total, déplacement et apéro y compris – de faire les présentations avec cette activité «fluide et ludique» que les pêcheurs du néolithique pratiquaient déjà mais que le grand public a découverte dans les années huitante, croit savoir Wikipédia. «Comment dire? C’est une balade à pied ou à la nage, avec des descentes en rappel que nous proposons aussi, mais en «extra.» Il y a des glissades et quelques sauts, jusqu’à 9 mètres de haut, mais sur lesquels nous pouvons faire l’impasse car ils n’entravent pas notre progression. Donc, pas de souci. Tu veux ou tu veux pas.»

Choc thermique

René Pernet propose deux sites de canyoning, tous dans le Pays-d’Enhaut. A la Torneresse, un affluent de la Sarine, et sous le pont de la Tine, vers Montbovon, où nous nous dirigeons en minibus, habillés de la tête aux pieds du matériel ad hoc: une combinaison en néoprène, un gilet de sauvetage, un bonnet et un casque. Aux extrémités, des bottines et des gants, afin de prévenir ou d’atténuer tout choc fortuit avec un gros caillou, car chocs il y a de temps en temps.

Le premier est thermique. Après les consignes de sécurité d’usage, il oblige à un plongeon «test» dans une eau à 12 degrés, «peut-être moins», rigole René Pernet, dont l’humour pince-sans-rire ne dit rien qui vaille. Heureuse surprise: les pièces d’équipement jouent leur rôle protecteur, presque anesthésiant, en plein. Et si quelques gouttes réussissent à se frayer un chemin le long de la nuque ou à travers le poitrail, elles ne font que battre le rappel d’une nature qui s’éveille après avoir essuyé un violent orage.

Voyage sur une corde

Passée l’écume d’une fraîche et prometteuse mise en bouche, un premier plat de résistance. Pour le photographe en espadrilles de toile blanche, l’odyssée, devenue dangereuse pour les semelles mal cramponnées, s’arrête avant même d’avoir commencé: sur ce promontoire rocheux, point de départ d’une tyrolienne. La tyrolienne. Les appuis doivent rester forts, idem pour les bras. Le voyage sur la corde, lui, n’est pas long. Il se termine par un nouveau bain revigorant et invite à se laisser emmener, nez dans l’eau ou tourné vers le ciel, par le courant de la rivière, dont les accidents sont autant de portes d’entrée vers de vastes et paisibles piscines bordées de falaises florissantes. Il faut flotter, alors flottons. Rive gauche, un fossile de dinosaure, dixit le malicieux quinquagénaire (ben voyons!). Rive droite, le «Creux de l’enfer», ouverture ancestrale vers la chasse aux sorcières de l’Intyamon. Le magique devient mystique et le cerveau se surprend à imaginer des contes et légendes tous plus épiques les uns que les autres. Les hommes barbotent quand les rayons du soleil percent la verte canopée. La Comté chère à Tolkien et à Frodon Sacquet n’est pas loin: elle est dans les têtes pour le moins.

Trêve de rêveries: il s’agit de passer à nouveau à l’action. Une fois encore, rien de dangereux ni d’impossible. Au contraire. Mais le saut est de précision, puisqu’il exige de s’élancer à l’aveugle entre deux rochers. «Il faut y aller tout droit», enjoint notre guide. L’espace est moins étroit qu’il n’y paraît: 187 cm et 85 kg même hésitants s’y engouffrent aisément. Ils refuseront pourtant le dernier obstacle, la fameuse cabriole de 9 mètres ou presque. «Tu veux ou tu veux pas», avait dit René Pernet, 500 mètres plus haut. La caboche n’a pas voulu, fatiguée mais reconnaissante d’avoir surfé sur un lit pas comme les autres. Celui de la Sarine valdo-fribourgeoise.

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