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Nature

Cinq idées reçues sur la vipère

Beaucoup en ont peur, mais son œil inquiétant et son museau retroussé cachent un reptile timide

La vipère aspic aime les tas de pierres, les éboulis et les enrochements en partie recouverts de broussaille. Elle s’expose au soleil pour réchauffer son corps.

 Christine Wuillemin, Revue Salamandre

Christine Wuillemin, Revue Salamandre

12 juillet 2022 à 04:01

Nature (2/6), Andreas Meyer » Victimes de leur mauvaise réputation, plusieurs animaux subissent notre courroux. Or, les crimes dont on les accuse sont exagérés, voire carrément infondés. Deuxième volet avec la vipère aspic.

1 Agressive envers les humains?

Non! La vipère aspic est craintive et file dare-dare lorsqu’on s’approche d’elle. Le long d’un chemin de randonnée fréquenté, un individu peut s’habituer à la présence humaine et prendre un peu plus de temps pour fuir, mais il se retirera toujours si on lui en donne la possibilité. On ne risque une réaction de défense que si on lui marche dessus en se baladant en sandales dans un coteau broussailleux ou si on la touche, volontairement ou non, avec la main. En revanche, la vipère ne disparaît pas lorsqu’elle perçoit les vibrations de nos pas au sol. C’est une légende! Elle nous repère grâce à sa bonne vue. Il est donc préférable d’attirer son attention visuellement.

2 Un venin mortel?

Le venin d’une vipère aspic n’est pas sans danger et une morsure non traitée peut se révéler fatale, surtout pour un jeune enfant. C’est toutefois très rare. En Suisse, le dernier décès remonte à 1961. Les traitements sont devenus si efficaces que même le recours à l’antisérum n’est nécessaire qu’en cas d’extrême urgence. Après une morsure, il faut se rendre au plus vite à l’hôpital, dans les deux ou trois heures au maximum. Entre 10 et 20 accidents se produisent chaque année, qui n’entraînent souvent pas ou peu de symptômes d’envenimation, car le serpent a surtout besoin de son venin pour capturer ses proies. Il ne l’utilise que modérément pour se défendre, voire pas du tout. On parle alors de «morsure blanche».

3 Un animal plutôt vorace?

C’est même le contraire! «Huit mulots et musaraignes par an», tel pourrait être le slogan santé de la vipère adulte. En tant que reptile, elle est poïkilotherme: impossible pour elle de produire sa propre chaleur corporelle, qui varie en fonction de la température extérieure. Elle n’est donc active que lorsqu’il fait assez chaud, soit entre mars et octobre. De même, elle ne peut digérer une proie qu’à partir de 15 °C. Hiberner avec une souris qui fermente dans le ventre lui serait fatal. Son secret? Un mode de vie ultraéconome basé sur l’énergie solaire et une alimentation frugale qui suffit à couvrir les besoins énergétiques de sa vie de sédentaire. Inspirant, non?

4 Elles formeraient des nœuds de malheur?

Tirer avec une arme sur un peloton de serpents emmêlés entraîne le maléfice, selon une légende du début du XXe siècle. Les vipères ne font pourtant pas de nœuds. Elles s’entassent parfois pour passer l’hiver ensemble. Cependant, de tels quartiers d’hivernage, comme on peut en voir en Scandinavie, n’existent pas en Suisse. La plupart hibernent seules. Une scène d’accouplement, engageant plusieurs mâles pour une femelle, peut aussi donner cette impression de «nid de serpents» au printemps. Les mâles sont en effet prêts à s’accoupler chaque année alors que les femelles ne se reproduisent que tous les deux ou trois ans. Le reste du temps, cet animal est solitaire.

5 Un serpent immortel?

Mythifiée et parfois considérée comme immortelle du fait de son insensibilité au venin de ses congénères, la vipère s’est vu attribuer de nombreuses vertus thérapeutiques miraculeuses. Au Moyen Age, on produisait un remède universel fabriqué à partir de vipères: la thériaque. Plus récemment, l’alcool de vipère, ou vipérine, était une eau-de-vie répandue dans notre pays. Ces croyances fantasques, la peur de ce serpent et son usage pharmaceutique ont conduit à un massacre systématique. Aujourd’hui, la vipère est heureusement protégée, mais elle reste rare. Et même si elle n’est pas immortelle, elle peut espérer vivre entre 30 et 35 ans si elle n’est pas victime d’une maladie, d’un prédateur ou d’un coup de pelle…

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