«Accélération historique du retrait des glaciers». Un chercheur de l’Université de Fribourg a participé à une étude internationale
Enrico Mattea, scientifique à l’Université de Fribourg, a contribué à une étude globale sur la fonte des glaciers. Les résultats montrent une augmentation marquée du phénomène. Les données locales étaient jusqu’alors difficilement comparables, en raison des méthodes de calcul utilisées.
Partager
Victoria Martin et ATS
19 février 2025 à 17:00
La fonte des glaciers menace une des ressources les plus importantes de la planète, l’eau douce, et accroît les risques naturels. Entre 2000 et 2023, les géants de glace ont perdu 5% de leur volume. Un processus qui ne faiblit pas, puisque leur fonte s’est nettement accélérée de 2012 à 2023, avec une augmentation de 36% par rapport à la période 2000-2011.
«On assiste à un véritable changement de régime, à une accélération historique du retrait des glaciers de la Terre».
C’est ce que révèle une étude internationale à laquelle a participé Enrico Mattea, chercheur au Département des géosciences l’Université de Fribourg, annonce ce mercredi l’institution dans un communiqué.
- 548 gigatonnes
- La perte de masse des glaciers en 2023.
«Sans que cela soit vraiment une surprise, les cinq dernières années ont vu une accélération sensible de la fonte, avec un record de 548 gigatonnes de perte de masse en 2023. On assiste à un véritable changement de régime, à une accélération historique du retrait des glaciers de la Terre», explique le chercheur qui a travaillé principalement sur le cas islandais. Entre 2000 et 2023, les régions avec une petite superficie glaciaire ont subi les plus grandes pertes relatives, notamment l’Europe centrale (-39%). La Suisse, avec une perte de 38% entre 2000 et 2024, selon le réseau Glamos, est dans la norme de la région alpine.
Homogénéiser les données
Lancé au début des années 2000, le projet, baptisé GlaMBIE (Glacier Mass Balance Intercomparison Exercise), a réuni 35 équipes issues de 19 régions, dans le but d’homogénéiser les résultats d’observation au niveau local. En effet, réaliser une étude globale était jusqu’alors pratiquement mission impossible, en raison des méthodes de calcul disparates utilisées par les chercheurs à travers le globe.
Les scientifiques ont mis au point une méthode standardisée, qui leur a permis de constater, qu’entre 2000 et 2023, les glaciers mondiaux ont perdu environ 6542 gigatonnes de glace, contribuant à une élévation du niveau de la mer de 18 mm. Ce qui confirme en partie les observations du GIEC. «Les auteurs de l’étude ont combiné au total 233 estimations de changement de masse des glaciers pour créer une série chronologique s’étalant de 2000 à 2023. Leurs résultats serviront de base pour les futures études d’impact et de modélisation», précise le communiqué.
Cas particuliers
Les scientifiques relèvent toutefois que la perte de masse a diminué en Islande et en Scandinavie, phénomène qu’ils attribuent à un refroidissement régional et à l’augmentation des précipitations hivernales.
Ils ont aussi noté une accélération de la perte de masse dans des régions où les glaciers avançaient il y a quelques années encore, phénomène nommé anomalie du Karakoram-Kunlun. Cette bizarrerie glaciologique semble donc vouée à disparaître, selon les auteurs.
Compte tenu de l’inertie des glaciers, qui réagissent après un certain délai aux changements climatiques, les scientifiques s’attendent à ce que la perte de masse glaciaire continue dans les décennies à venir. «Ce n’est que dans la seconde moitié du siècle que l’on verra les effets des réductions des émissions si la société y parvient à les réduire», conclut Enrico Mattea.