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Canton

Michel Chevalley transmet la meule

Le gouverneur de la Confrérie du Gruyère cède sa place à un chantre du Gruyère, Grégoire Raboud

Michel Chevalley (à dr.), Gouverneur de la Confrérie du Gruyère depuis 2011, passera le témoin à Grégoire Raboud (à g.).

 Stéphane Sanchez

Stéphane Sanchez

30 septembre 2022 à 04:01

Gastronomie » Changement à la tête de la Confrérie du Gruyère AOP. Michel Chevalley, aussi ancien préfet de la Veveyse et ancien député, remettra demain son sautoir de gouverneur de la confrérie lors du «chapitre» de la Dent-de-Lys, à Châtel-Saint-Denis. Devenu «solide compagnon» en 1999, lors de la Fête des vignerons dont il présidait le village fribourgeois, puis «chantre», Michel Chevalley dirige les destinées de cette confrérie bachique et gastronomique depuis 2011.

La Confrérie du Gruyère, qu’est-ce que c’est au juste?

Michel Chevalley: Une équipe de bientôt 1700 «terroiristes». Notre but, fixé par les fondateurs en 1981, est de faire connaître le Gruyère loin à la ronde et d’entreprendre toutes sortes d’actions qui permettent de le valoriser, de le défendre ou de favoriser sa consommation. C’est une forme de réseautage, mais je pense que la confrérie permet surtout de fabriquer des ambassadeurs du Gruyère. L’idée garde sa pertinence aujourd’hui: un club, le Vaccarinus, est né en décembre dernier pour célébrer le Vacherin fribourgeois AOP.

Samedi, 450 «gentes dames» et «solides compagnons» se réuniront à Châtel-Saint-Denis. Dans quel but?

Ce chapitre de la Dent-de-Lys sera l’occasion d’introniser 60 nouveaux membres, qui jureront fidélité au Gruyère AOP. Comme d’habitude, nous allons défiler, initier les membres et prendre part à un repas de gala, qui nous permettra de mettre en évidence l’art des fromagers veveysans. Les chantres se chargent de donner une dimension humoristique et poétique à ces banquets. J’ai participé à 38 chapitres, dont 25 comme gouverneur: je vous assure qu’on s’amuse toujours beaucoup. C’est ce qui fait l’attrait de la confrérie.

Les politiciens y sont bien présents. Est-elle un lobby déguisé?

C’est vrai, on y trouve des conseillers fédéraux, des conseillers d’Etat, des parlementaires de tout niveau, des préfets. Mais nous restons aussi neutres que possible, et l’Interprofession du Gruyère se charge beaucoup mieux que nous de la défense politique du Gruyère. Notre religion à nous, c’est le Gruyère – même si l’évêque est aussi membre. Et notre porte est ouverte à tous.

Vraiment?

Oui. Il suffit de trouver deux parrains – c’est assez facile. Les «VIP», les professionnels de la filière et monsieur et madame tout-le-monde sont à la même enseigne: ils paient leur intronisation (150 francs, y compris la cotisation annuelle de 80 francs), leur repas (150 francs à Châtel) et leur déplacement. Nos sautoirs signalent des rôles, pas des privilèges. Par contre, de fait, les femmes sont moins présentes dans la confrérie. Elles nous manquent. C’est un reliquat d’une tradition un peu patriarcale. Mais une vingtaine de dames seront intronisées samedi. C’est réjouissant.

Des chapitres ont eu lieu à Lyon, à Munich ou à New York. La confrérie est-elle une machine à exporter le Gruyère?

Non. C’est d’ailleurs l’Interprofession qui nous signale ces «terreaux» déjà fertiles. A New York, par exemple, l’Interprofession participait à la Fancy Food Show, une foire alimentaire mondiale. A Lyon, c’était plus particulier. Sous la houlette de feu Thomas Raemy, nous avions célébré les pionniers qui suivaient «la route du Gruyère» entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Voir les mulets chargés de meules descendre de Gruyères; charger ces tonneaux sur les bateaux à Vevey; les amener à la mairie de Lyon, en cortège; et terminer par un souper chez Paul Bocuse: c’est sans doute mon meilleur souvenir en tant que gouverneur – et je débutais!

La tradition, c’est un peu le cœur de la confrérie…

Oui. Et c’est capital. Elle vit autour du chalet de démonstration que nous animons durant les marchés folkloriques à Bulle. Elle vit aussi grâce au Chœur de la confrérie, un chœur d’armaillis. Chaque chapitre se termine par Le Vieux Chalet, toujours émouvant. Mais la tradition, c’est aussi celle que nous célébrons à chaque occasion: le fait que le Gruyère, même s’il est fabriqué dans des laiteries modernes, est le produit de la main de l’homme, le fruit du même geste du fromager qui apprécie de ses doigts la qualité du grain, et ce depuis la nuit des temps.

Que symbolise le costume du conseil et des préfectures?

Le premier costume de la confrérie était constitué d’une cape en toile de lin et d’un sautoir. L’actuel costume évoque le côté noble et marchand du Gruyère – les barons –, mais sans se prendre le chou. Il met un peu de gueule dans le spectacle. Il rend aussi la confrérie visible et reconnaissable dans les cortèges, où il y a parfois d’autres compagnons (la Confrérie du Guillon, de la poire à Botzi, des vignobles fribourgeois, par exemple). Mais, ce costume a une vingtaine d’années, et il faudra bien le refaire. J’avais demandé une offre à Giovanna Buzzi, la costumière de la dernière Fête des vignerons. Elle avait un joli projet, malheureusement hors de nos moyens.

Que représentent ces 11 années de gouvernance, pour vous?

La confrérie m’a apporté énormément d’amis et de connaissances. J’ai eu plaisir à manier le verbe et à gouverner – j’aime quand tout est ripoliné et que tout baigne. Et surtout, j’ai adoré découvrir ce fromage aux mille nuances et ce savoir-faire qui unit toute une filière dans le culte de l’excellence. Mais j’ai 70 ans et j’ai trouvé en Grégoire Raboud la bonne personne à qui transmettre le témoin, au bon moment. Il est mordu. Il va mettre toute son énergie et ses idées dans la confrérie. Il ralliera de nouveaux suffrages et saura rajeunir les rangs.

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