Le premier jeune de l’ensemble
Théophanis Kapsopoulos tient la baguette de chef à l’Orchestre des jeunes de Fribourg depuis 50 ans
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Patrick Chuard
25 octobre 2021 à 04:01
Musique » Théo se marre. Un demi-siècle! «Quelqu’un m’a dit que ce n’est plus de la fidélité, c’est de l’entêtement», a-t-il lancé hier devant un public de plusieurs centaines de personnes à l’Université de Fribourg, dans l’aula de Miséricorde. Le concert de jubilé que donnait ce jour-là l’Orchestre des jeunes de Fribourg (OJF), dont il est le directeur, a été l’occasion d’un bref coup d’œil vers le passé.
Théo dit qu’il n’aime pas regarder dans le rétroviseur. Inutile de lui parler des 800 concerts donnés depuis 1971. Dimanche, c’était Brahms et Beethoven. Le mois prochain, ce sera Haydn et Mozart. Ces cinq prochaines années, l’OJF jouera l’intégrale des concertos pour piano avec le soliste Benjamin Engeli. C’est ce qui compte pour lui. A la tête d’un orchestre dont les instrumentistes amateurs ont entre 13 et 20 ans et qui se renouvelle constamment, mieux vaut être enthousiaste que nostalgique. A voir le chef sautiller, grimacer, faire des gestes expressifs, il est clair que le rôle lui plaît.
Inciter à se surpasser
Parlons quand même de son parcours. L’histoire de l’OJF, c’est un peu l’histoire de Théo, et inversement. Théophanis (ce beau prénom grec qui veut dire «Dieu révélé») se souvient «qu’un jour, la musique a pris la place de tout». C’était il y a un peu plus de cinquante ans, au Collège Saint-Michel: il venait de commencer des cours de piano et de fonder avec quelques copains un petit ensemble qui deviendra l’OJF (lire ci-dessous).
Le premier jeune de l’orchestre, ce fut donc lui. Puis d’autres adolescents sont venus au fil des décennies, qui avaient l’âge de ses enfants et aujourd’hui de ses petits-enfants. «Les nouveaux arrivants me tutoient en prenant exemple sur les anciens.» Exigeant envers les jeunes musiciens, il veut en tirer le meilleur. En répétition, il fait fuser les remarques à toute vitesse, avec sa voix de ténor. En français, en allemand, dans n’importe quelle langue pourvu qu’il capte son auditoire.
«L’exigence, c’est le meilleur hommage que je peux rendre à ces jeunes. Aucun répertoire ne nous fait peur. Quand on se surpasse à l’adolescence, je crois qu’on continue à le faire plus tard. Le jour où je leur dirai dans une répétition: «ça va comme ça, pas besoin de faire mieux», je saurai qu’il sera temps d’arrêter.»
La transmission
Théophanis Kapsopoulos aurait pu diriger des ensembles professionnels, dans des endroits peut-être prestigieux, lui qui, précoce, avait pris des cours de direction avec Edmond de Stoutz à Zurich à l’âge de dix-sept ans. Lui qui a été invité à 24 ans à diriger des orchestres au Brésil et plus tard aux Etats-Unis. «En fait, ce n’est pas ce qui me correspondait», assure-t-il. «Un professeur me disait quand j’étais jeune que je devrais quitter Fribourg pour aller voir ailleurs. Mais ce qui m’intéresse plus encore que la musique, c’est de la transmettre. Je préfère le mot de transmission à celui de pédagogie. Les jeunes mettent plus de temps à apprendre une partition, mais quand ils se dépassent, c’est magique.»
La preuve qu’il est à sa place lui a été donnée lors d’une crise. «J’ai eu un moment de creux, je devais avoir dans les quarante ans. J’ai voulu tout plaquer pour faire du théâtre. Je souhaitais ensuite diriger un chœur, puis un orchestre professionnel. Je changeais tout le temps d’idée! Au bout de six mois, j’ai voulu créer un nouvel orchestre de jeunes… J’ai alors commencé à rire tout seul et j’ai repris l’OJF avec le même enthousiasme qu’avant.»
Quel est le compositeur préféré de Théo? «Celui que je suis en train d’étudier», répond-il en riant. On l’aurait parié. Quand il ouvre une partition, mille idées arrivent: «C’est spécialement vrai avec Haydn. Je me sens comme un metteur en scène qui doit agencer chaque note dans l’espace. J’achète souvent de nouvelles partitions, tant les anciennes sont annotées.»
Le son de l’Aston Martin
Un autre son l’inspire-t-il? Il l’avoue au bout d’un moment: «Beethoven, c’est bien, mais le son d’une Aston Martin c’est pas mal non plus.» Il en a conduit mais il n’en possède pas. La beauté des formes d’une Jaguar Type E ne le laisse pas non plus indifférent. «N’écrivez pas cela!» Le bruit du vent en altitude lui plaît également: lui qui a gravi quelque vingt-cinq sommets de 4000 mètres n’aime rien tant que la neige, le froid, les rochers. «C’est exigeant mais cela me rend aussi contemplatif que la musique.»
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