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Canton

Kevin Flynn est renvoyé de Suisse

Dépendant de l’aide sociale, le musicien irlandais installé à Payerne a perdu son autorisation de séjour

Témoignage de Kevin Flynn, qui doit quitter la Suisse Photo Lib / Charly Rappo, Fribourg, 08.04.2019Charly Rappo

Magalie Goumaz

Magalie Goumaz

11 avril 2019 à 19:12

Récit » Kevin Flynn doit quitter le territoire suisse avant le 31 mai, sous peine de s’exposer à des mesures de contrainte. Le guitariste et chanteur irlandais, bien connu des amateurs de blues et de folk, a reçu ce courrier mi-mars du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM). Celui qui a animé les nuits fribourgeoises pendant des années, sautant d’une scène à l’autre lorsqu’il n’était pas occupé à former une génération de musiciens ou à enregistrer des disques, se dit désespéré. «Je suis déçu du manque d’humanité d’une telle décision», déclare-t-il.

Agé de bientôt 63 ans, Kevin Flynn est arrivé en Suisse en 1978. Il s’est marié, a eu deux filles. En 1995, il divorce. En 1997, il retourne quelques années en Irlande pour des raisons professionnelles. Au passage, il perd son permis C étant donné la durée de son absence. Il revient s’établir en Suisse en 2004. Définitivement, pense-t-il.

La vie d’artiste

Les premières années, il poursuit sa carrière de musicien. En fin de semaine, il tient le bar situé au sous-sol de l’auberge du Mouton, à Belfaux. C’est un artiste. Il ne s’inquiète pas trop de son statut précaire. En 2008, il tombe malade. Et les ennuis commencent. Comme il n’avait pas contracté d’assurance pour perte de gain, il doit faire appel à l’aide sociale pour compléter les maigres revenus qu’il perçoit malgré tout de ses activités de musicien et d’enseignant, afin d’atteindre le minimum vital. «J’ai fait des démarches auprès de l’AI. Tant que ma demande était pendante, mon autorisation de séjour était renouvelée d’année en année», explique-t-il. Sauf qu’en 2017, il reçoit une réponse négative de l’AI.

Il parvient malgré tout à vivre chichement de sa rente pont assimilable à l’aide sociale, octroyée par le canton de Vaud. La retraite approchant, il reste serein. D’autant plus que le 19 septembre 2018, le Service de la population du canton de Vaud statue en sa faveur. Il lui annonce son refus de renouveler son autorisation de séjour pour activité lucrative et de lui octroyer une autorisation d’établissement. Par contre, il recommande au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) de lui délivrer une nouvelle autorisation de séjour annuelle, selon l’article 20 de l’ordonnance sur la libre circulation des personnes, qui s’applique lorsque des motifs importants le justifient.

Et voilà que le SEM ne partage pas cet avis. Il reconnaît l’intégration dans le paysage valdo-fribourgeois de Kevin Flynn. Mais il estime que la révocation de son autorisation de séjour se justifie pour des motifs d’assistance publique. Il note aussi qu’un départ ne se heurte à aucun obstacle insurmontable.

Ses filles se mobilisent

Sa fille Patricia, aujourd’hui âgée de 27 ans, est révoltée. «Je suis de nationalité suisse. Et voilà que mon père devrait quitter mon pays!» Kevin Flynn estime qu’il n’abuse pas. «Tant que je gagnais de l’argent, je payais des impôts, je cotisais à l’AVS. J’ai aussi participé à la vie culturelle de toute la région», rappelle-t-il. A une époque, le musicien assurait près de 200 concerts par an. Les studios d’enregistrement le contactaient fréquemment pour accompagner chanteurs ou autres musiciens. Aujourd’hui, sa santé précaire ne lui permettant plus de vivre au rythme d’antan, ses apparitions sont rares.

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Les deux filles de Kevin Flynn ont écrit au SEM pour plaider sa cause. Elles ont envoyé des collages où on voit le musicien avec ses deux petites-filles, aujourd’hui âgées de quatre et deux ans et demi. «Avec ma sœur, Eileen, ses deux filles et mon papa, nous sommes fusionnels et on va détruire une famille», lance Patricia. La jeune femme explique avoir toujours été fière de son père. «Enfant, c’était magique d’avoir un papa comme lui. Il y avait toujours de la musique dans notre vie. Et c’est devenu notre univers commun.» D’ailleurs, elle dit avoir souffert de la séparation, lorsque Kevin Flynn est reparti quelques années en Irlande. Même si les visites étaient fréquentes, cette absence l’a marquée.

Lointaine Irlande

Pour sa part, Kevin Flynn ne se voit pas vivre en Irlande. Ses parents sont décédés. Il ne lui reste que des frères et sœurs, qu’il voit tous les deux ans environ. Il n’y a plus d’attaches. Il craint une rupture dans son traitement médical, ne sait pas avec quoi il pourrait vivre, ni où.

Dernier espoir: un recours qu’il va déposer contre la décision du SEM. «J’ai passé ma vie d’adulte essentiellement en Suisse. Je suis chez moi ici», conclut-il. Ajoutant, avec son humour irish qu’il n’a pas perdu, qu’il a vingt-cinq poissons dont il s’occupe, dans un étang tout près de chez lui.

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