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Canton

De la pioche aux robots

Plus que centenaires, les Tuileries de Fribourg et Lausanne, s’adaptent à leur temps

Christian Kolly, 53 ans, est directeur des Tuileries Fribourg et Lausanne depuis six ans.

 Nicole Rüttimann

Nicole Rüttimann

30 août 2021 à 04:01

Guin/Wallenried » Le bâtiment de Guin dresse fièrement ses antiques murs de briques et tuiles alternées en rectangle et nids d’abeilles ocre et beige. «Nous n’avons jamais eu à le rénover, il est resté tel qu’à sa construction, en 1902!», relève d’emblée le directeur des Tuileries de Fribourg et Lausanne, Christian Kolly. Incarnée par son siège singinois, cette longévité fait la «patte» de l’entreprise. Si celle-ci ne produit plus de tuiles, elle fait toujours des briques, issues de la glaisière de Wallenried; un autre site se trouvant à Crissier (VD). L’entreprise, qui vient de refaire fin juillet une demande de mise à l’enquête à Wallenried pour une zone d’exploitation/réhabilitation, a su évoluer avec son temps, assure le directeur.

Les derniers du canton

Celle-ci est née en 1898, sous l’impulsion de Joseph Schawalder, Saint-Gallois auparavant directeur des tuileries à Moutier. A la suite de sondages, il découvre de bons gisements de glaise à Guin – épuisés depuis –, au nord de la voie de chemin de fer existante. Il rachète la parcelle à Nestlé, d’autres à des agriculteurs. «Le site était idéalement situé pour le mode de production d’alors», relate le directeur. En témoigne ce tableau au-dessus de son bureau, où l’on peut voir l’usine telle qu’elle se présentait avec ses cheminées, entourée de wagonnets: «La glaise était extraite à la pioche, chargée sur ces wagons fixés sur un monocâble aérien, proche du train à vapeur. Ce dernier permettait d’amener charbon et bois, combustibles de l’époque.

La Suisse compte alors, selon La Liberté, 315 tuileries/briqueteries en activité dont 9 dans le canton. «Nous sommes aujourd’hui les derniers du canton. La Suisse n’en compte plus qu’une vingtaine», note le natif d’Essert, qui a repris la direction il y a 6 ans à ses 47 ans, après avoir notamment dirigé une société active dans le béton faisant partie d’un groupe international.

Il faut dire que les TFL, dont le chiffre d’affaires n’est pas communiqué, couvrent l’entier du pays, avec une production bien plus efficace grâce à l’automatisation: «L’entreprise a vécu toutes les phases de modernisation. Désormais, on extrait à la pelle mécanique et tout le système est robotisé. Grâce à ce haut degré d’automatisation, le processus qui nécessitait 120 collaborateurs sur le site au XIXe siècle n’en requiert plus que 30 entre les deux sites, et 8 seulement à la production.»

La fabrication des briques passe par diverses étapes mécanisées: Un distributeur-doseur fait le mélange de glaises ensuite broyées. De l’eau est injectée à la poudre ainsi obtenue pour en permettre l’extrusion. Puis les briques, coupées, passent dans un four 1 à 2 jours jusqu’à 1030 °C, cette lenteur évitant que l’eau ne crée des fissures en sortant. Toutes les données peuvent être gérées à distance par ordinateur, avec accès codé.

Exploitation écologique

Sans donner d’information sur le volume de production, les TFL fournissent toute la Suisse en briques. «Nous vendons dans un rayon maximum de 100 km autour de Guin et Crissier, la maison mère à Lucerne couvrant le reste du pays. C’est ainsi une production locale, 100% naturelle, écologique», souligne-t-il.

En la matière, l’exploitation de glaisières a aussi un effet inattendu: «La création de biotopes.» En effet, à la fin de l’exploitation, il reste toujours de la glaise sur le site isolant la nappe phréatique. Le trou est comblé par des matériaux non pollués, ou «inertes» tels que du béton ou des briques issus de chantiers; des dépôts analysés régulièrement par le Service de l’environnement. Sur ces «sites pionniers», les TFL créent, grâce aux instructions délivrées par des biologistes, des étangs favorables à certains types de faune. Une commission de suivi environnemental a été mise en place à cet effet. Les biologistes ont recensé notamment des crapauds calamites classés vulnérables, des tritons et des salamandres. «C’est une collaboration très positive, les deux parties y trouvent leur intérêt!», relève ce sportif épris de nature. Et de préciser que les deux sites devraient pouvoir être exploités encore une cinquantaine d’années, TFL se doit donc de penser sur le long terme.

Briques «technologiques»

Le défi désormais? «Trouver une solution à toutes les exigences actuelles et futures de la construction en matière de normes phoniques, thermiques, parasismiques et esthétiques», relève Christian Kolly. Le matériau de base restant naturel, sans chimie, l’adaptation «technologique» s’est faite avec un temps de retard, aujourd’hui comblé, estime-t-il: l’entreprise propose des produits «répondant à toutes les exigences; telle cette brique monolithique incluant directement dans ses cavités l’isolation thermique. Ou, autre innovation lancée il y a un mois, un système de briques d’à peine 15 cm d’épaisseur, enrobées de treillis et incluant un mortier spécial, offrant une résistance et une élasticité au bâtiment en cas de secousse, évitant les fissures.

Le prochain objectif sera de mettre davantage encore en avant l’aspect bien-être, indique le directeur. Et de rappeler que si l’usage des briques remonte aux Babyloniens il y a plus de 4000 ans, ce n’est pas pour rien: elle accumule la chaleur pour la restituer la nuit, régule l’humidité ambiante qui se diffuse au travers évitant les moisissures, protège des allergies, des incendies et plus récemment, des rayons électromagnétiques.

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