Reto Blumer, archéologue cantonal
Aujourd’hui à 12:43
Archéologie instrumentalisée? Depuis un certain temps, il devient coutumier d’exploiter l’archéologie cantonale par voie de presse pour légitimer tel ou tel choix d’aménagement urbain ou de projet de construction. Le dernier exemple concerne le marronnier de la place du Petit-Saint-Jean. Ce vénérable végétal qui pousse sur les vestiges d’une chapelle médiévale érigée en 1224 et démolie en 1832 serait «promis à la tronçonneuse depuis 2018, afin de permettre des fouilles archéologiques et un gros chantier d’assainissement» (La Liberté du 20 février).
De fait, le Service archéologique de l’Etat de Fribourg (SAEF) a pour mission spécifique de ne fouiller que des biens culturels menacés de destruction par des projets d’aménagement et de construction. Or, ce sont bien les requalifications du Bourg et de l’Auge par la ville de Fribourg qui prévoient des suppressions ou des plantations d’arbres engendrant des fouilles archéologiques supplémentaires (place du Petit-Saint-Jean et Sainte-Catherine).
L’instrumentalisation de la sauvegarde archéologique pour justifier des modifications de l’environnement urbain est non seulement injustifiée, mais également injuste. L’objectif du SAEF est de documenter ce qui est voué à la destruction et donc de fouiller le moins possible. Les générations futures jugeront la durabilité de nos actions présentes. Celles de l’archéologie, mais aussi celles de nos autorités qui requalifient l’espace urbain en détruisant à jamais des pans importants de nos racines souterraines communes qui, elles, ne sont pas renouvelables.