Jacques de Coulon
22 août 2024 à 11:28, mis à jour le 2 octobre 2024 à 18:03
Pour des raisons diverses, on remet en cause l’école inclusive qui consiste à intégrer dans chaque classe des élèves avec des besoins spécifiques, qu’ils soient allophones, handicapés ou qu’ils aient des problèmes de comportement. Certains dénoncent une surcharge de travail pour l’enseignant, d’autres un nivellement par le bas prétéritant les meilleurs. Pourtant cette conception de l’inclusion est basée sur un principe fondamental: «Toute personne est un absolu», écrit Mounier. Elle est unique et irremplaçable, quelles que soient son origine ou son invalidité. Chaque enfant est un cas particulier. Il a droit à une instruction appropriée pour qu’il cultive au mieux ses capacités.
La réflexion sur l’école nous place face à ce dilemme: faut-il privilégier une approche inclusive en prenant le risque que les «bons» élèves progressent moins vite ou au contraire favoriser les plus doués en créant des classes à niveaux tout en laissant les plus faibles au bas de l’échelle? J’ai toujours été opposé à une spécialisation précoce des enfants. Il y va de la cohésion sociale. Une formation élitaire créerait une catégorie sociale coupée du peuple, comme Macron isolé dans l’Olympe d’une France d’en haut. Je me suis donc engagé pour une école inclusive, notamment comme président du Conseil de l’éducation. D’un autre côté, je m’inquiète aussi de la charge de travail pour l’enseignant et de la baisse de niveau des élèves avancés qui risquent de s’ennuyer ou de se sentir délaissés si leurs camarades en difficulté prennent l’essentiel du temps de la formation.
Faire en sorte que tous les élèves progressent
J’ai déjà été confronté à la situation d’un enseignement différencié comme jeune instituteur près de La Brévine: j’avais une classe de la première à la cinquième primaire. Je consacrais l’essentiel de mon temps aux plus petits en demandant aux plus grands de travailler par eux-mêmes. Je leur ai aussi fait partager ce qu’ils savaient avec les plus jeunes. Ce fut une excellente pratique d’entraide, mais les élèves de cinquième n’apprirent pas grand-chose de nouveau! Et je dus dormir sur place et renoncer aux sorties, tant la préparation du cours s’avérait lourde. D’autre part, j’avais l’impression d’être davantage un animateur qu’un instituteur. La mission de l’école n’est-elle pas d’abord d’enseigner un savoir à des enfants qui n’ont pas la science infuse?
D’où ce défi crucial: comment intégrer tout le monde dans une même classe tout en permettant aux plus avancés de progresser et à l’enseignant de ne pas sombrer dans un burn-out? Comment faire en sorte que tous les élèves progressent et acquièrent des compétences à la fois sociales et cognitives? Deux axes sont à renforcer: diminuer l’effectif des classes et donner plus de moyens aux enseignants en leur procurant l’appui de personnes-ressources tout en allégeant leur pensum administratif. Cela va coûter cher? Il s’agit pourtant d’une priorité absolue. Il y va de l’avenir de nos enfants et de notre société.