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Courrier des lecteurs

Courrier des lecteurs. A propos de «monstre sacré», une expression peu appropriée


Juan Jimeno, Estavayer-le-Lac

Juan Jimeno, Estavayer-le-Lac

26 août 2024 à 12:04

Temps de lecture : 2 min

On entend beaucoup, ces jours-ci, l’expression «monstre sacré» couramment utilisée par les médias pour désigner certains professionnels du spectacle (La Liberté du 19 août sur la mort d’Alain Delon, «Le dernier voyage d’un monstre sacré du cinéma»). On la doit, semble-t-il, à la plume du génial poète multifacette Jean Cocteau qui exprimait ainsi son admiration pour une très célèbre artiste de théâtre.

Parce que j’aime sa poésie, sa peinture, son cinéma, voire son goût pour la transgression, je n’arrive pas à comprendre qu’il ait pu inventer une telle expression censée exprimer l’admiration et le respect. Car enfin, un monstre cela doit inspirer avant tout le dégoût, l’horreur ou la terreur. Quant au sacré, peu de définitions qui essaient de le cerner évitent la référence au divin.

Dès lors, faut-il diviniser un monstre pour le rendre admirable ou respectable et non terrifiant? Ou faut-il s’en tenir à un sens plus commun qui ferait de l’objet ou de l’être supposés sacrés des choses ou des êtres intouchables, qu’on ne saurait critiquer, voire égratigner? Cela est douteux: le blasphème est aussi vieux que la religion et l’on a vite fait de «désacraliser» certaines pointures du milieu cinéma en les envoyant devant les tribunaux pour qu’ils rendent compte des comportements monstrueusement humains dont on les accuse.

Que Jean Cocteau me pardonne. Mon admiration pour ses talents et l’œuvre que nous leur devons reste intacte, mais je continue de penser qu’il aurait pu inventer une autre expression pour dire l’immense respect mérité par certains interprètes du septième art. Le sacré habité par des monstres ne me semble pas, somme toute, très attrayant.


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