Belgique. Forte mobilisation à Bruxelles contre les projets de Bart De Wever
Une marée humaine, 60’000 personnes selon la police, a défilé jeudi à Bruxelles contre les mesures d’austérité envisagées par le gouvernement du conservateur Bart De Wever. Le projet de supprimer les départs à la retraite anticipés est particulièrement critiqué.
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ATS et AFP
Aujourd’hui à 14:41, mis à jour à 15:27
C’est la première journée de mobilisation syndicale depuis l’entrée en fonction le 3 février du nouveau gouvernement, qui hérite des commandes d’un pays ciblé par une procédure de l'Union européenne pour déficit excessif et entend tailler dans les dépenses publiques.
«On n’est pas des citrons», «arrêtez de nous plumer», «taxer les riches c’est pour quand?»: les pancartes dans le cortège reflétaient la crainte d’un allongement du temps d’activité sans gain de pouvoir d’achat, et d’un accroissement des inégalités.
«Les mesures suggérées dans l’accord de gouvernement sont totalement inadmissibles», a déclaré à l’AFP William, un militaire de 45 ans, en colère contre la perspective de devoir travailler jusqu’à 67 ans et non 56 comme prévu.
«J’en reprends pour dix ans de plus et on ne nous explique pas comment on va aller jusqu’à 67 ans», a-t-il grincé.
Fin des régimes spéciaux
Militaires, enseignants, cheminots, policiers ou encore pompiers, venus manifester en nombre, sont concernés par ce projet de suppression des régimes spéciaux de retraite.
En outre, un nouveau mode de calcul des pensions prévoit de ne plus tenir compte des interruptions de carrière, ce qui est perçu comme une mesure pénalisant surtout les femmes.
«On ne s’attendait pas à de telles horreurs» dans l’accord de coalition, a lâché l’ancienne ministre (PS) de la Défense Ludivine Dedonder, venue soutenir les militaires, en congés pour pouvoir défiler.
La mobilisation, à l’appel des trois grands syndicats - chrétien, socialiste et libéral -, était deux fois plus importante que le 13 janvier, quand 30’000 personnes avaient défilé à Bruxelles pour la défense des services publics et des retraites.
Conséquence de la grève: le pays fonctionnait au ralenti, avec des transports en commun fortement perturbés, et des avions cloués au sol faute de contrôle aérien.
«Un col hors catégorie»
«Le trafic aérien est impossible au-dessus de la Belgique (…) tous nos vols sont annulés entre 6 h 45 et 22 h 15», a averti Brussels Airport, la société exploitant l’aéroport de Bruxelles-Zaventem, le premier du pays.
A la tête d’une coalition avec la droite francophone en principal allié, le nouveau Premier ministre Bart De Wever, homme fort de la politique en Flandre depuis vingt ans, a présenté la situation budgétaire belge comme «la pire du monde occidental». Le déficit public est attendu pour 2024 à 4,6% du PIB.
Il s’est dit convaincu que ses réformes permettront enfin à la Belgique de «rejoindre le peloton des pays sains de l’Europe», quitte à exiger de lourds efforts.
«Le voyage qui nous attend n’a rien d’une promenade de santé, il est plutôt de l’ordre d’un col hors catégorie», a-t-il lancé la semaine dernière devant les députés.
«Brutalité sociale»
En face, les accusations d'«atteinte aux droits», de «mépris», voire de «brutalité sociale» fusent de la part des trois grands syndicats, dont l’appel à manifester, antérieur à l’accord de coalition, a été relayé par des organisations pointant aussi du doigt le durcissement de la politique de l’asile.
La Ligue des droits humains a fustigé «une extrême-droitisation des politiques migratoires en Belgique», en référence à la volonté de restreindre le regroupement familial et l’accès aux allocations sociales pour les demandeurs d’asile.
Dans le collimateur des syndicats, rejoints par le Parti socialiste francophone désormais dans l’opposition, figure aussi la limitation à deux ans des allocations chômage.
Cette réforme phare envisagée par la coalition De Wever est vue au sud du pays comme une mesure «anti-Wallons», la Wallonie (sud) étant davantage frappée par le chômage (7,5% au 3e trimestre 2024 contre 4,3% en Flandre).