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Ukraine. L'Ukraine pose ses conditions avant de parler de paix

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé Washington à convenir d'un plan pour "arrêter" la Russie dans sa guerre avant des pourparlers de paix. Les Européens, sous le choc, refusent de se voir mis à l'écart.

Le président américain a créé la stupeur lorsqu'il a annoncé mercredi qu'il rencontrerait son homologue russe Vladimir Poutine en Arabie Saoudite.KEYSTONE/EPA/MAXIM SHIPENKOV

ATS
AFP

ATS et AFP

Aujourd’hui à 14:01, mis à jour à 17:47

Temps de lecture : 3 min

Dans ce contexte tendu, le Kremlin a affirmé qu'il n'y avait pour le moment "aucune décision" sur la date de la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine et que cela pourrait "prendre des mois". Se voulant rassurant, le Kremlin a dit que l'Ukraine participerait aux pourparlers de paix "d'une manière ou d'une autre".

Auparavant, M. Zelensky avait souligné que "les réunions entre l'Ukraine et l'Amérique" constituaient "la priorité" pour lui. "Et ce n'est qu'après ces réunions, après l'élaboration d'un plan pour arrêter Poutine, que je pense qu'il sera juste de parler aux Russes", a-t-il ajouté.

Sécurité en Europe

Les Européens considèrent quant à eux qu'une paix durable en Ukraine est "inséparable" de la sécurité du continent. La paix doit être plus qu'un "simple cessez-le-feu", a mis en garde jeudi Antonio Costa, le président du Conseil européen, qui regroupe les dirigeants des 27 de l'UE.

Les Etats-Unis ont assuré de leur côté que l'ouverture de ces discussions n'était en rien une "trahison" vis-à-vis de l'Ukraine. "Il n'y a pas de trahison", a lancé jeudi devant la presse le secrétaire américain à la Défense Pete Hegseth. "Il y a la reconnaissance (du fait) que le monde entier et les Etats-Unis sont investis dans la paix, une paix négociée", a-t-il ajouté.

Les pays européens se sont toutefois montrés très sceptiques, leur cheffe de la diplomatie Kaja Kallas faisant même le parallèle entre aujourd'hui et 1938, quand les accords de Munich avaient abouti à l'annexion d'une partie de la Tchécoslovaquie par l'Allemagne hitlérienne. Cette "stratégie de l'apaisement ne fonctionne pas", a-t-elle clamé.

"Sale accord"

Le président américain a créé la stupeur lorsqu'il a annoncé mercredi qu'il rencontrerait son homologue russe Vladimir Poutine en Arabie Saoudite, peu après un échange téléphonique entre les deux hommes qui sont convenus d'engager "immédiatement" des négociations pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

"Toute solution rapide équivaut à un sale accord que nous avons déjà vu, à Minsk par exemple", a averti jeudi Mme Kallas, pour qui rien ne peut se négocier "dans le dos" de l'Europe ou des Ukrainiens, sous peine d'"échec".

Les accords de Minsk conclus il y a dix ans avaient abouti à un cessez-le-feu en Ukraine, rompus à maintes reprises, jusqu'à l'invasion de ce pays par la Russie en février 2022.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a dit de son côté refuser une "paix imposée" à Kiev. Faisant écho à la réaction de Berlin, Mme Kallas a également critiqué la stratégie de négociation du président Trump, comme l'avait fait auparavant le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius.

"Pourquoi leur donnons-nous tout ce qu'ils veulent avant même que les négociations n'aient commencé ?", a-t-elle ainsi interrogé.

Les Ukrainiens sont "forts"

Parmi différentes lignes rouges tracées par l'administration Trump mercredi, les Etats-Unis ont déclaré qu'une adhésion de l'Ukraine à l'Otan n'était pas réaliste, tout comme un retour de ce pays à ses frontières d'avant 2014, c'est-à-dire avec la Crimée, annexée cette année-là par Moscou.

Les Américains ont aussi jugé qu'il appartenait désormais aux Européens d'assurer l'essentiel du soutien à Kiev. Autant d'annonces qui ont provoqué la satisfaction des dirigeants russes, pressés de vouloir élargir les discussions à la "sécurité en Europe".

En revanche, dans le camp ukrainien, la prudence est de mise, dans un contexte de fortes incertitudes. "Là maintenant, le message est que nous continuons. Nous sommes forts, nous sommes capables", a affirmé, de Bruxelles, le ministre ukrainien de la Défense Roustem Oumarov, sans toutefois donner davantage de détails.

A Moscou, un ancien combattant russe, interrogé par l'AFP, pense le contraire, résumant à sa façon la situation : "Nous gagnerons, c'est clair. Tôt ou tard, les Ukrainiens se rendront", tranche-t-il, car "l'Europe les a en quelque sorte abandonnés" et "Trump est agacé parce qu'il ne veut pas les parrainer davantage".

"Moment de vérité"

L'annonce mercredi de l'ouverture "immédiate" de négociations de paix sur l'Ukraine et le discours de vérité du nouveau secrétaire américain à la Défense, exigeant des Européens qu'ils se prennent en main, a eu l'effet d'un coup de tonnerre au siège de l'Alliance.

"C'est un grand moment de vérité" pour l'avenir de l'Otan, a estimé jeudi le ministre français de la Défense Sébastien Lecornu. "On dit que c'est l'alliance militaire la plus importante, la plus robuste de l'histoire. C'est historiquement vrai, la vraie question c'est : est-ce que, dans 10 ou 15 ans, c'est toujours le cas ? ", a-t-il ajouté.

Balayant ces doutes, Pete Hegseth a proclamé jeudi que Donald Trump était le "meilleur négociateur de la planète" et le seul capable d'assurer une paix "durable" en Ukraine.