Et pourtant il n'avait même pas joué aux autos

Il raconte qu’il n’a jamais joué aux petites autos. Sauf pour les démonter. Se réjouit de vivre de sa passion même si «le problème avec les vieilles voitures, c’est qu’on n’ose jamais facturer les heures effectives.» S’énerve contre les expositions de véhicules neufs toujours plus grandes et les ateliers toujours plus petits. Il est comme ça Vito Colella, spontané, chaleureux et vrai. Rencontre.

Parlant de son métier: «Ce que j’aime, c’est la belle mécanique.» Alors quand, dans le garage où il est employé, il se retrouve à réparer des bips de recul défectueux ou à installer des dispositifs main libre, il réagit: «Je n’ai pas fait ce métier pour ça», et décide de se mettre à son compte. Il possède alors une Porsche – «un hasard, oui, je sais, avec mon nom, ça aurait pu être une Ferrari ou une Maserati» – avec laquelle il fait un peu de circuit, écrit sur des forums automobiles, approche le club Porsche romand. Ses premiers clients viendront de ce microcosme. Dans l’atelier, quatre voitures sur cinq portent d’ailleurs l’écusson noir, rouge et or du constructeur allemand. «Evidemment, je m’occupe aussi d’autres marques.» Preuve en est la longue américaine qui dort sous une couverture à l’entrée du garage. On devine la couleur orange pétant, et un numéro 01 apposé sur la portière nous rappelle vaguement quelque chose. «Si si, c’est General Lee! Vous vous souvenez, Shérif, fais-moi peur? Eh bien cette Dodge Charger est l’une de celles utilisées pour les shows basés sur la série TV.» Vito Colella soulève la housse de protection et dévoile le drapeau sudiste peint sur le toit. Un moteur tout neuf trône à côté du capot et attend d’être monté.

Dans sa clientèle, il voit passer ouvrier, avocat ou policier – les propriétaires de voitures anciennes sont des passionnés, pas forcément de riches collectionneurs. Même si Vito Colella voit arriver dans son garage une nouvelle clientèle: «Les spéculateurs, les gens qui achètent de vieilles voitures pour placer leur argent. Personnellement, ça m’est bien égal; ce qui est dommage, c’est que ça fait grimper les prix aussi pour les vrais amoureux de belle mécanique.»

Les voitures actuelles ne se règlent plus:«Avant, on faisait un apprentissage de 4 ans pour devenir mécanicien; actuellement, en 4 ans, on est mécatronicien. Même durée, l’électronique en plus: cherchez l’erreur! Aujourd’hui, un jeune mécano, au lieu de tourner la clé et d’écouter, il branche une prise (de l’ordinateur censé diagnostiquer les pannes sur les voitures actuelles, ndlr)… Pour trouver des collaborateurs, maintenant, c’est la galère, regrette le patron. Et puis à l’époque, quand un client venait rechercher sa voiture au garage, il faisait «Waouh!», parce qu’elle roulait mieux que quand il l’avait laissée, grâce aux réglages effectués. Maintenant, le véhicule se règle lui-même, électroniquement; les clients sont moins reconnaissants. Alors que sur un modèle ancien, le connaisseur voit et apprécie encore le travail réalisé.»

En automobile, pas de compromis sur piste: une voiture est préparée soit pour la route, soit pour le circuit. Si le confort prime pour la première option, il faut, entre autres, des suspensions nerveuses et des freins solides pour la seconde. Une «mise en condition» que Vito Colella réalise très régulièrement pour ses clients qui vont se faire plaisir sur autodrome – faute de pouvoir exploiter le potentiel de leurs bolides dans le trafic.

La famille ne partage pas vraiment sa passion. Ses trois enfants ne fréquentent pas particulièrement l’atelier. Quant à son épouse Sylvia, c’est une perle, assure Vito Colella: «Dans ce métier, on ne compte pas nos heures, la journée on passe des commandes ou on répond au téléphone, alors le boulot, on le fait le soir, le week-end.» Il faut dire que Madame est elle-même indépendante, dans un domaine qui n’a rien à voir avec les moteurs et les boîtes de vitesses: l’esthétique. Le nom de son institut? Kerozen. Monsieur jure que c’est un pur hasard.

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Vito Colella, ses goûts et couleurs

I> S’il était une voiture: Une Porsche 934. Un vrai modèle de course! Ou ma Citroën Mehari.

> S’il avait un retrait de permis à vie, il se déplacerait: A vélo. Sous la torture! Mais aucun risque, je ne me fais plaisir que sur circuit…

> Un circuit automobile: Le Mas du Clos, en France. Malheureusement, il est fermé.

> L’odeur qu’une voiture devrait avoir: Le vieux cuir.

> Le bruit qu’elle devrait faire: Celui de la 2,7 litres GT. Un ronronnement assez bas…

> Un homme qui représente la légende automobile: Facile: Jo Siffert.

> Un événement automobile: La Targa Florio, une course qui n’existe plus. Un rallye, mais un vrai, façon «le premier en bas a gagné». Pas de l’événementiel bling-bling avec nuits en palace!

> Un souvenir: Le Paris-Dakar sur lequel j’ai travaillé comme mécano pour un motard. Une jolie aventure humaine, malgré ce qu’on en dit!

> Quand Vito Colella ne parle pas de voiture, il parle de: Moto (rires)! Ou de musique, de festivals. Ou de pêche, tiens, même si je n’ai plus beaucoup l’occasion de pratiquer.