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Suisse

Très chers médicaments

Les assureurs pointent une hausse des coûts supérieure à la moyenne. La pharma conteste les chiffres

Une chimiothérapie à l’Hôpital cantonal de Fribourg (HFR): selon les assureurs,ce sont surtout les médicaments anticancéreux qui renchérissent.

 Philippe Boeglin et Pierre-André Sieber

Philippe Boeglin et Pierre-André Sieber

21 janvier 2020 à 02:01

Santé » La facture totale de la santé n’est pas encore connue pour 2019, mais pour les assureurs, tout semble indiquer que les médicaments ont davantage augmenté que la moyenne. Leurs coûts ont crû de 6,2% entre décembre 2018 et décembre 2019 dans l’assurance-maladie de base, calcule Curafutura, l’une des faîtières de caisses-maladie, qui a publié ses résultats hier. Ces chiffres sont confirmés par l’autre organisation des assureurs, Santésuisse… mais contestés par Interpharma, l’association de l’industrie pharmaceutique.

Si l’on se fonde sur les assureurs, la hausse de 6,2% risque fort de surpasser celle de l’ensemble des coûts de l’assurance de base: l’Office fédéral de la santé publique évalue la croissance des coûts globaux à 4,8%, sur la base des données de janvier à septembre 2019. «Nous constatons une hausse absolument disproportionnée des prix des médicaments par rapport aux coûts de la santé dans leur ensemble», déclare Pius Zängerle, directeur de Curafutura.

En tout, les médicaments ont généré une ardoise de 7 milliards de francs sur l’année étudiée par Curafutura. Leur part est donc loin d’être anodine dans le gâteau de l’assurance de base, qui, en 2018, atteignait 32,6 milliards.

Surtout les anticancéreux

L’an passé, ce sont surtout les dépenses pour les anticancéreux qui ont grimpé: 15% de plus qu’en 2018, pour un total de 2 milliards de francs. «Cela soulève certaines questions», estime Pius Zängerle.

«Avant de prescrire à un malade un nouveau médicament promettant un rallongement de l’espérance de vie de quelques mois, le médecin devrait en discuter avec le patient: est-ce que cela en vaut la peine vu les effets secondaires? Sa qualité de vie va-t-elle vraiment s’en retrouver améliorée? Si ce n’est pas le cas, faut-il dépenser un tel prix?»

Le directeur de Curafutura pointe le système en place. «Des incitations inopportunes encouragent l’utilisation de médicaments coûteux au détriment d’autres options moins chères, car les marges de distribution sont liées au prix de vente. Cela signifie qu’un traitement coûteux rapportera davantage au pharmacien. Cela vaut également pour le médecin si celui-ci vend directement le médicament au patient (propharmacie pratiquée dans certains cantons) ou si le médicament ne peut pas être pris par le patient lui-même et doit être administré par le médecin (par exemple les injections).»

Santésuisse appelle aussi à des changements. «Pour les médicaments anticancéreux, pour lesquels l’industrie pharmaceutique exige trop souvent des prix surfaits, il est, à notre sens, indispensable de mettre en place de nouveaux mécanismes de prix qui tiennent mieux compte du rapport coûts/bénéfices thérapeutiques attendus», indique le porte-parole Christophe Kaempf.

Interpharma se défend

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la pharma ne partage pas l’avis des assureurs. «Les chiffres dont nous disposons ne concordent pas avec ceux de Curafutura. Selon les données en notre possession, la hausse des prix de fabrique pour 2019 devrait être de l’ordre de 3,5%», transmet la porte-parole romande Cécile Rivière. Concernant l’augmentation considérable des anticancéreux, Interpharma invoque la phase actuelle, «où l’industrie pharmaceutique met sur le marché de nombreux médicaments nouveaux et plus efficaces. Les patients atteints de nombreuses formes de cancer bénéficient désormais de médicaments qui améliorent la qualité de vie pendant des années, voire qui permettent de guérir. Des progrès importants ont également été réalisés dans le traitement de l’hépatite C et de la sclérose en plaques.»

Selon Interpharma, «l’industrie prend ses responsabilités et contribue déjà de manière importante à la maîtrise des coûts. Elle est le seul acteur soumis à des baisses de prix régulières et réglementaires, avec des économies de plus d’un milliard de francs réalisées depuis 2012. Par ailleurs, le prix des médicaments n’est pas le principal facteur de coûts dans le système de santé (13,5% des coûts totaux).»

Il n’empêche que, côté assurances, Santésuisse souhaite une série de nouvelles mesures, rapporte Christophe Kaempf: «Nous serions favorables à l’introduction d’un prix de référence pour les génériques et à une adaptation annuelle des prix de l’ensemble des médicaments par l’OFSP (plutôt que tous les trois ans). Nous proposons également que les assureurs puissent rembourser les médicaments achetés à l’étranger par les assurés.» Certaines de ces idées sont en cours d’élaboration au sein du Département fédéral de l’intérieur d’Alain Berset. Mais pas sûr qu’elles mettent fin au débat.

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