Modification du du code civil: mariage pour tous
En campagne pour la différence
Olga Baranova défend le oui dans la votation populaire sur «le mariage pour toutes et tous». Portrait
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Igor Cardellini
11 août 2021 à 23:43
C’est un esprit vif. Elle est drôle et mordante. Sur Twitter, elle se plaît à se présenter comme «largement connue dans les cercles restreints». Après quelques années au service du PS vaudois en tant que secrétaire générale, à 30 ans, la Genevoise Olga Baranova a décidé de «travailler pour le droit à la différence». Stakhanoviste dans l’âme, elle dirige depuis un peu plus d’un an la campagne «Oui au mariage civil pour toutes et tous» qui fait l’objet d’une votation le 26 septembre. Et son choix d’endosser ce rôle n’est pas fortuit lorsque l’on observe sa trajectoire. Un parcours qui l’a placée à répétition dans des positions d’étrangère.
La Servette et Calvin
Etrangère d’abord lorsque sa famille s’expatrie de Doubna – ville située à une centaine de kilomètres de Moscou – à Munich en 1996. C’est le métier de son père physicien qui leur permet de quitter une Russie dont l’économie s’effondre, et en pleine «thérapie de choc». Elle a alors 5 ans et s’évertue à s’intégrer sagement. «Je sens que l’environnement dans lequel j’arrive est hostile aux migrants. Il me faut parler allemand sans accent. Gommer mes origines russes. J’y arrive plutôt bien.»
Bonne élève, parfaitement assimilée, à 15 ans, elle quitte l’Allemagne pour Genève cette fois-ci, en raison de l’emploi de son père au CERN. La famille s’installe à la Servette.
Là, le changement est brutal au Collège Calvin. «Il y a la langue, mais j’arrive aussi dans un monde qui n’est pas le mien. Un univers bourgeois duquel je m’auto-exclus. Je décide de «snober les snobs» et je m’extrais de la vie sociale au collège», confie-t-elle. Mais voilà, l’adolescente adore les activités de groupe et confronter ses idées. C’est en participant au Swiss Talent Forum, «un événement organisé à Thoune en 2009 par des grosses boîtes cherchant à mettre le grappin sur la supposée élite de demain», qu’elle rencontre des Jeunes socialistes (JS). Elle raconte que, séduits par sa verve sur des thèmes comme la migration, ces Argoviens l’ont tannée pour qu’elle rejoigne le parti. Elle a 18 ans lorsqu’elle adhère à la JS.
Olga Baranova est élue au Conseil municipal à peine deux ans plus tard. Elle y siégera durant sept ans. A l’époque, elle est en sciences politiques à l’Université de Genève. Ses études passent au second plan, ce qui ne l’empêche pas d’obtenir son master en administration publique. Durant son cursus, elle cumule les fonctions: graphiste pour le PS genevois, cheffe de projets «mobilisation, recrutement et formation» au PS suisse, avant de devenir secrétaire générale du PS vaudois…
«Ça a été une conquête sur moi-même. Les premières réunions, même informelles, j’avais tellement peur d’intervenir que je devais tout écrire, pour m’assurer de placer correctement les mots», se remémore la Genevoise.
Ce qu’elle vit alors comme un handicap linguistique l’incite à développer d’autres moyens d’expression au moment où Facebook explose. «Je savais utiliser Photoshop. Le faire à des fins politiques en proposant des visuels pour des manifestations, c’était grisant», se remémore Olga Baranova. Son sens iconographique fait mouche et certains de ses montages se retrouvent dans la Tribune de Genève. Comme cette image où elle affuble les statues du Mur des réformateurs de vêtements féminins, ou encore ce portrait de Sami Kanaan revisité en Lénine façon Andy Warhol à l’occasion de sa première année à la mairie de Genève.
Peu à peu, au rythme de mini-buzz qu’elle déclenche, elle devient une figure familière de la politique locale, puis romande. Aux images se mêlent des vannes bien senties, des commentaires et des contenus politiques. Et l’usage qu’elle fait de Facebook, elle l’étend à Twitter. «Je joue constamment des différents registres. Tu balances une blague, tu te crées une petite notoriété, les gens te suivent et droit derrière tu fais la promo des sujets politiques qui te tiennent à cœur. Il y a des gens qui jouent à Candy Crush, moi je vais sur Twitter.»
Vous aussi, vous constatez avec inquiétude la prolifération de mauvais montages Photoshop dans les articles de presse des titres suisses?
— Olga Baranova (@Ballymag) July 4, 2021
Se libérer des modèles
Stratégie qui n’est pas sans risque. Son commentaire «Tu récoltes ce que tu sèmes» en réaction au tour de vis du canton sur les nuits genevoises à la suite d’une manifestation qui avait dégénéré, lui a valu des appels virulents à démissionner du Conseil municipal en 2015. Parmi les faux pas, elle mentionne sa critique de Sandrine Salerno et sa démarche de promotion de l’écriture épicène. «J’ai honte quand j’y repense», admet-elle. Et de convenir que le combat féministe, elle s’en est saisie que plus récemment: «J’ai longtemps pensé qu’il fallait que je bride toute féminité pour pouvoir être prise au sérieux en politique».
Rétrospectivement, Olga Baranova interprète cette attitude vis-à-vis d’elle-même comme de la «misogynie intériorisée»: «Gommer ma féminité était alors cohérent avec mon envie d’être prise au sérieux, mais cela allait aussi de pair avec le fait que je n’arrivais de toute façon pas à correspondre aux canons classiques. Je fais 1 m 80, je ne suis pas très fine… Dès mon adolescence, je m’en suis sentie exclue».
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