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Canton

Industrie laitière. Migros condamnée dans la Broye

Un procès entre un producteur de lait et Elsa met en évidence l’opacité du système de rétribution


Magalie Goumaz et Natasha Hathaway

Magalie Goumaz et Natasha Hathaway

19 octobre 2022 à 22:30

Temps de lecture : 1 min

Lait » «David fait trébucher Goliath», écrivait mardi le syndicat agricole Uniterre sur son site internet. Il résume ainsi le récent jugement du Tribunal civil de la Broye qui donne raison à un producteur de lait et condamne la société Estavayer Lait SA (Elsa) a lui verser 1400 francs correspondant au montant de subventions restées dans ses caisses. Contactée, la Migros n’a pas souhaité commenter la décision du tribunal «la procédure étant toujours en cours». Elle a en effet 30 jours pour faire recours.

Le montant semble dérisoire. Mais cette affaire pointe à nouveau le manque de transparence entourant le versement de la prime à la transformation fromagère.

Rappelons que selon la loi sur l’agriculture, une prime de 15 centimes par litre de lait transformé en fromage à haute valeur ajoutée doit être reversée aux producteurs de lait par les transformateurs. En effet, ce sont eux qui perçoivent une partie de cette somme de la part de la Confédération, soit près de 300 millions de francs par année. Cette subvention est destinée à compenser la pression sur les prix provoquée par l’ouverture au marché européen en 2007. En échange, l’utilisateur du lait est tenu d’indiquer séparément les suppléments dans le décompte de la paie de lait fournie aux producteurs. Si le système ne pose pas de problème pour le lait transformé dans les fromageries, il n’en va pas de même pour celui dont a besoin l’industrie pour toute une gamme de produits.

Une procédure opaque

C’est le cœur du conflit qui oppose Maurus Gerber, producteur de lait et président d’Uniterre, à Elsa. Le producteur estime que les documents fournis par l’entreprise ne lui permettent pas de savoir quelle part de son lait a été transformée et, par conséquent, le montant des subventions qui lui reviennent.

«De grandes centrales laitières vont peut-être devoir régler l’ensemble des arriérés aux producteurs.»
Rudi Berli

Dans son jugement, le Tribunal civil de la Broye constate effectivement l’impossibilité, pour Elsa, de fournir la preuve du paiement de la prime fromagère à Maurus Gerber. Il pointe également du doigt les contrôles réalisés par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) chez Elsa qui ne permettent pas de déterminer si tous les producteurs perçoivent bien leur prime.

Rudi Berli, secrétaire chez Uniterre, estime que «ce jugement pourrait avoir plusieurs conséquences. De grandes centrales laitières vont peut-être devoir régler l’ensemble des arriérés aux producteurs.» Autre impact: une modification de l’ordonnance sur le versement de la prime. «L’Office fédéral de l’agriculture pourrait se décharger de cette responsabilité en procédant à des paiements directs aux producteurs.»

Des discussions à ce sujet sont d’ailleurs en cours dans le cadre du paquet d’ordonnances qui entrera en vigueur en 2023. «La transparence du prix du lait pour le producteur est une problématique dont l’OFAG est consciente», assure Florie Marion, responsable du secteur communication à l’OFAG. Pour preuve: d’après une étude réalisée en 2014 par Agroscope, le centre de compétences de la Confédération pour la recherche agricole, seul un tiers de la somme versée par la Confédération aurait atterri dans les poches des producteurs.

Producteurs divisés

Cependant, un éventuel changement en faveur d’un paiement direct de cette prime aux producteurs de lait ne fait pas l’unanimité dans le monde agricole. Directeur de la Fédération des producteurs suisses de lait (PSL), Stephan Hagenbuch reste ainsi prudent. «Notre organisation a déjà pris deux fois position dans le cadre de consultations officielles. Deux fois, elle a répondu qu’elle n’était pas favorable à un changement car les inconvénients l’emportent sur les avantages», explique-t-il. PSL estime par exemple que la stabilité du marché en pâtirait et craint de nouvelles pressions sur les prix en cas de changement de régime à la frontière.

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