Le blues de la rentrée
Né au Mississippi, ce genre musical continue de chanter violence sociale et revendications politiques
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Gilles Labarthe
31 août 2020 à 17:14
Société » Avec Going Down South, Mississippi Blues, le sociologue français Eric Doidy propose un livre de témoignages aussi passionné que précis sur le revival de ce genre musical aux USA, en commençant par les Etats du sud, toujours frappés par la discrimination et la précarité, 155 ans après la première abolition de l’esclavage. Catastrophes naturelles, pandémie de coronavirus, ravages socio-économiques sous la présidence de Donald Trump… autant de thèmes à chanter à la rentrée 2020, accompagné d’une guitare. Interview.
Vous êtes chargé de recherche en sociologie au Centre d’économie et sociologie appliquées à l’agriculture et aux espaces ruraux, à Dijon. Pourquoi cet intérêt pour blues?
Eric Doidy: En tant que chercheur, je travaille sur l’implication d’agriculteurs américains dans les mouvements pacifistes post-11 Septembre et sur les mouvements de «retour à la terre» des victimes de guerre, en situation post-traumatique. J’ai pu profiter de séjours aux Etats-Unis, comme à Chicago, pour mener des entretiens. Mais à l’origine, le blues est pour moi une passion. Ce livre n’est pas le résultat d’un travail de recherche sociologique, je suis parti au Mississippi déjà en 1997, bien avant d’avoir fait ma thèse. Mais il y a un lien, c’est évident, notamment avec les conditions de vie dans le milieu des ouvriers agricoles. Beaucoup d’ouvrages ont déjà été publiés sur le blues, mais très peu sur le blues actuel et ses évolutions contemporaines, avec des influences urbaines, du hip-hop, du rhythm & blues, de musiques parfois très innovantes qui réinventent le genre, qui le régénèrent. Je voulais combler cette lacune, comprendre cette culture du sud des Etats-Unis, encore très rurale, par la musique.
En quoi le blues est-il particulièrement d’actualité?
Dans ces régions du delta, le passé continue de peser. La ségrégation a longtemps été maintenue au Mississippi, avec les lois dites «Jim Crow», qui maintenaient les communautés afro-américaines dans un statut de précarité. De fait, l’esclavage n’y a été officiellement aboli qu’en février 2013! Dans ces Etats du sud, les plus pauvres restent aujourd’hui encore les minorités noires, et les statistiques montrent que face à la pandémie de Covid-19, elles sont les plus vulnérables. On a vu avec quelle désinvolture Trump et le Gouvernement américain ont traité la pandémie, et ces populations: ils abandonnent les plus pauvres à leur sort. Le blues, ça a toujours été ça, l’histoire populaire de la pauvreté, de la violence sociale, de la situation de ces populations afro-américaines. C’est comme la bande-son cette Amérique-là. On ne peut pas comprendre ce genre musical si on le sort de son contexte.
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