Le deus ex machina de la technologie
Ken Pillonel fustige l’obsolescence programmée imposée par Apple. Ses vidéos ont 1 million de vues
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8 octobre 2022 à 15:10
Estavayer» «Jamais je n’aurais imaginé en arriver là!» s’émerveille Ken Pillonel, ses grands yeux bleus encore incrédules. Et pourtant. C’est bien ce jeune Fribourgeois tout juste diplômé de l’EPFL qui a défié les maîtres autoproclamés du sablier technologique. Et derrière son allure timide se cache une opiniâtreté qui ferait presque trembler Apple. A l’origine de cet émoi? Une passion: offrir une seconde vie aux objets technologiques du quotidien, tel un deus ex machina du «hardware» – éléments matériels d’un système informatique. Avec pour cheval de bataille la lutte contre l’obsolescence programmée.
Il y a un an, l’étudiant en génie robotique poste une vidéo où il explique comment «réinventer» un iPhone en le dotant d’un port USB-C: un pied de nez à la marque à la pomme, qui impose son propre port et chargeur. Le coup d’essai devient coup de maître: en quelques jours, sa vidéo totalise un million de vues. En juillet dernier, rebelote. Il s’attaque aux écouteurs sans fil Airpods, montrant comment casser de façon contrôlée le boîtier afin de pouvoir en changer les batteries, alors qu’il n’est pas conçu pour, et le doter d’un port USB-C. Il dépasse le million de vues. Celui qui, petit déjà, adorait découvrir les secrets des objets sous la surface peut désormais vivre de sa passion: il est consultant indépendant en prototypes de produits. A 26 ans, il crée des prototypes et documente ses projets sur YouTube, autour de thèmes tels que la durabilité ou les déchets électroniques.
Le secret sous la coque
Mais comment le Staviacois a-t-il acquis cette notoriété? Enfant déjà, captivé par l’informatique, il bricole son ordinateur et adore réparer les choses au point d’en faire une manie. Ado, il pense, et panse tout ce qui lui tombe sous la main, de l’iPhone d’un ami aux lampes de frigo. Mais avec ses études à l’EPFL, il n’a plus de temps pour ce qui est alors un loisir. Ce n’est que vers la fin du cursus, cherchant un projet à réaliser à côté, qu’il repense à l’iPhone. Or les médias parlent d’une nouvelle directive de l’Union européenne qui imposerait un port USB-C pour tous les appareils. L’étudiant franchit le pas. En quinze ans, d’autres que lui y avaient pensé. S’il a été le premier à concrétiser l’idée d’un iPhone avec port USB-C, c’est que la tâche est ingrate: il lui faudra deux ans à côté de ses études pour parvenir à ses fins.
«Ce n’est pas une science exacte, j’ai dû apprendre tout ce que je faisais sur le tas, y compris l’usage des machines. Si mes études m’ont aidé, elles sont davantage théoriques.» Le résultat est inattendu: «Le succès de ma vidéo s’explique aussi par ce timing, j’ai eu la bonne idée au bon moment. Et les gens se sont dit: si un étudiant peut le faire, pourquoi pas Apple!»
Lui qui adore travailler de ses mains à sa façon vole alors vers d’autres défis. Il repense les Airpods en trois mois; il ne se décourage plus aussi vite et a appris à évacuer les frustrations en allant randonner, avoue ce faux calme, mû par une rage intacte: «Constater qu’on vendait des objets conçus pour ne pas pouvoir être réparés m’a rendu fou! C’est une aberration écologique et à tout point de vue!» S’il refuse de se poser en exemple, il rêve ainsi d’avoir un impact à son échelle.
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