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Enseignement: Philippe Genoud: «Créer une nouvelle faculté reste assez exceptionnel»

Alors que ce lundi est marqué par la rentrée universitaire, la faculté regroupant les étudiants de l’actuelle HEP et ceux du secondaire I sera effective l’an prochain. Qu’est-ce que cela va changer? Réponses du doyen fondateur Philippe Genoud.

Les bâtiments de la HEP seront intégrés au pool immobilier de l’université. © Charly Rappo
Les bâtiments de la HEP seront intégrés au pool immobilier de l’université. © Charly Rappo

Claire Pasquier

Publié le 14.09.2024

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Les étudiants de l’université reprennent le chemin des auditoires ce lundi. L’an prochain, ils seront rejoints par les étudiants en enseignement primaire, la Haute Ecole pédagogique (HEP), qui vit sa dernière rentrée (LL du 20 août). Unique canton à séparer jusque-là la formation des enseignants du primaire et du secondaire, Fribourg se rallie aux autres modèles existants.

Qu’est-ce que cette union entre les filières de l’enseignement implique concrètement? Réponses avec le professeur Philippe Genoud, responsable de la formation à l’enseignement au secondaire I à l’Université de Fribourg et doyen fondateur de la Faculté des sciences de l’éducation et de la formation, effective à l’automne 2025.

Pourquoi la création d’une nouvelle faculté?

Philippe Genoud: Lorsque la décision a été prise d’intégrer la formation primaire à l’université, s’est posée la question de la forme. Est-ce qu’il fallait créer un centre rattaché au rectorat, un département, un institut, une faculté ou autre? Cela changeait les modalités de fonctionnement. Mais vu la taille de l’actuelle Faculté des lettres et sciences humaines, qui compte plus de 4000 étudiants, ainsi que pour donner aux formations à l’enseignement un statut similaire aux autres voies d’études, il a été décidé de fonder une faculté. Cela reste assez exceptionnel dans le milieu universitaire, on ne fait pas ça tous les trois ans! On est donc dans un processus de construction de la Faculté des sciences de l’éducation et de la formation. Elle se composera de trois départements: celui de la formation à l’enseignement, qui regroupera le primaire, le secondaire I et les écoles de maturité, celui de la pédagogie spécialisée et celui des sciences de l’éducation.

Combien d’étudiants composeront cette faculté?

Environ 2000 étudiants. Une partie proviendra de l’actuelle faculté et l’autre de la HEP.

Que les futurs étudiants se rassurent, les conditions d’admission ne changent pas!

Exactement. Il sera possible d’entrer dans cette filière en sortant de l’ECG avec une maturité option pédagogie. Notre règlement d’admission est adapté afin que ces étudiants puissent toujours accéder à la formation pour le degré primaire. C’est une profession pour laquelle il y a beaucoup de besoins, et l’expérience démontre qu’il n’est pas nécessaire de changer les conditions d’accès aux formations.

Les étudiants vont-ils s’apercevoir de ce changement?

Le programme reste le même. Il y a eu beaucoup d’inquiétudes concernant les stages notamment, mais rien ne va changer. On respecte les mêmes règles que toutes les hautes écoles pédagogiques. D’ailleurs les étudiants pour le secondaire I et II sont aussi beaucoup sur le terrain. C’est peut-être moins visible dans une université de plus de 10 000 étudiants qui offre beaucoup d’autres cursus.

Le challenge est d’attirer davantage d’étudiants germanophones. On espère que le fait d’intégrer l’université va mettre en avant l’offre universitaire à laquelle ils ont accès, en plus de l’ouverture à d’autres filières universitaires d’études après l’obtention du bachelor. La proximité avec la HEP de Berne rend difficile le maintien d’un grand nombre d’étudiants dans ces filières.

Les étudiants en enseignement primaire resteront-ils sur le site de la HEP?

Momentanément, les étudiants vont continuer de suivre les cours là-bas. Progressivement, il est possible qu’il y ait une réorganisation, avec des cours sur le site de Miséricorde par exemple. Les bâtiments de la HEP doivent être repris dans le pool des bâtiments universitaires. La HEP a beaucoup de salles de plus petite taille, donc si l’on veut à un moment donné avoir des cours communs et créer des synergies, il y aura par conséquent des regroupements.

Les enseignants de la HEP n’ont pas forcément les qualifications requises pour être «professeurs» à l’université. Comment allez-vous faire?

Cela a été un dossier assez complexe, car la structure et la gouvernance des deux institutions ne sont pas les mêmes. On fait le même job, mais là, on touche à la culture de l’institution. A l’université, on a un corps professoral peu nombreux et un corps intermédiaire beaucoup plus important, tandis qu’à la HEP, beaucoup portent le titre de professeurs mais ont des qualifications comparables aux collaborateurs scientifiques. On a réussi à proposer un déplacement des postes dans le cadre des fonctions universitaires ainsi que certains titres honorifiques.

«Les choses vont se passer dans l’évolution plutôt que dans la révolution»
Philippe Genoud

L’un des objectifs est de créer des synergies. N’y aura-t-il pas des doublons?

Le Conseil d’Etat a décidé que l’opération serait financièrement neutre, donc il ne s’agit ni de faire des économies ni de coûter plus cher. Mais progressivement, il y aura des réorganisations lors de départs à la retraite. Dans le cas de cours similaires, cela vaudra la peine de se mettre ensemble, donner le cours à deux, ou alors l’un des enseignants proposera des séminaires d’accompagnement. Les choses vont se passer dans l’évolution plutôt que dans la révolution. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain, revoir tous les plans d’études, redistribuer tous les cours dans de nouvelles salles. Je constate que la dynamique est plutôt positive et motive les collaborateurs.

Et est-ce que cela va changer la manière de fonctionner du côté du secondaire I?

Forcément, cela nous amène des idées différentes. Le regard et l’expertise de nos collègues de l’enseignement primaire vont bien évidemment donner lieu à certains ajustements dans nos plans d’étude. Le fait qu’ils participent plus activement encore à la réflexion dans nos objectifs de formation et nos référentiels de compétences est positif. On espère que l’on pourra enrichir nos visions de la formation. Surtout avec les enjeux actuels d’inclusion, certainement plus présents au primaire qu’au niveau des collèges (lire ci-dessous).

La vision de l’enseignement est-elle la même à l’université et à la HEP?

Oui. Nous n’avons pas besoin de nous battre sur des concepts et tirons à la même corde. Nous assistons ensemble à passablement de commissions nationales. En Suisse, même si la formation est sous l’égide des cantons, il y a une coordination intercantonale qui permet ces évolutions parallèles.

Accompagner les étudiants face aux difficultés

La formation à l’enseignement rencontre toujours autant de succès. En revanche, maintenir l’intérêt à long terme pour le métier semble plus difficile. «Cela fait partie des enjeux de la formation que de former les enseignants, non seulement à la qualité de leur enseignement, mais aussi de les accompagner dans le regard qu’ils portent sur leur propre parcours afin d’éviter simplement de former des gens très qualifiés mais qui ne tiennent pas dans la profession», estime Philippe Genoud, doyen fondateur de la Faculté des sciences de l’éducation et de la formation. Et de reconnaître que les exigences liées au métier d’enseignant sont toujours plus élevées, «mais comme dans d’autres professions».

Parmi les défis qui se posent, il pointe évidemment l’inclusion, grand thème de cette rentrée scolaire: «On leur demande cette double casquette qui peut être compliquée, même si l’on comprend bien la légitimité d’inclure le plus possible ces élèves aux besoins spécifiques. C’est effectivement un challenge très important, notamment pour les jeunes enseignants, qui se retrouveront avec des cas à gérer et d’autres intervenants dans leur classe. Du côté de l’enseignement, cela s’ajoute à toute une base de formation.»

Des évolutions sociétales sont aussi à l’œuvre. Philippe Genoud souligne aussi l’importance de former les étudiants «à soigner le contact avec les parents, qui n’est pas aussi évident qu’il y a vingt ans, lorsque la parole de l’enseignant avait force de loi».

La formation à l’enseignement suit de près ce qui se passe sur le terrain, assure Philippe Genoud. «Les enseignants formateurs et leurs retours nous font prendre conscience quotidiennement des difficultés sur le terrain et de leurs besoins en termes de formation. On évolue en parallèle; on n’est pas dans une tour d’ivoire scientifique, déconnectée du terrain.»

>Informations destinées aux étudiants sur Unifr.ch/eduform

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