Le monde mobilisé contre le racisme
Suite à la mort de George Floyd aux Etats-Unis, des milliers de personnes ont défilé dans les rues
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Sonia Delesalle-Stolper, Londres, Johanna Luyssen, Berlin et Arnaud Vaulerin
8 juin 2020 à 04:01
Antiracisme » Deux semaines après la mort de George Floyd à Minneapolis, la coalition de la colère antiraciste et antiviolences policières est devenue planétaire. Ce week-end, des dizaines de milliers de personnes, dans des centaines de cortèges, sont descendues dans la rue pour manifester. Poing levé ou genou à terre, en marchant ou parfois en dansant, en applaudissant ou en brandissant des pancartes, en silence ou en répétant des slogans, tous ont rendu hommage à Floyd, asphyxié par Derek Chauvin, un policier blanc. Ce mouvement est parti des Etats-Unis, qui devraient rester l’épicentre de la contestation, au moins jusqu’aux obsèques de Floyd, prévues ce mardi. Il s’est à présent emparé de la planète.
A Londres, les manifestants sont souvent jeunes, masqués, et ils n’arrêtent pas de se mobiliser. Jour après jour depuis plus d’une semaine, des manifestations en hommage à George Floyd se multiplient au Royaume-Uni. Samedi, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à braver l’interdiction de rassemblement pour cause de Covid-19. Quelque 15 000 à Manchester, au moins autant à Londres, plusieurs milliers à Glasgow ou Edimbourg. A Londres, la chanteuse Madonna s’est mêlée à la foule, repérée appuyée sur des béquilles, alors qu’elle vient de se faire opérer d’un genou.
Ambiance bon enfant
Les manifestants ont recommencé hier. Plusieurs milliers se sont rassemblés à Londres devant la très moderne ambassade des Etats-Unis. D’autres rassemblements ont eu lieu dans le reste du pays. Dans le centre-ville de Bristol, dans le sud-ouest de l’Angleterre, la foule a déboulonné la statue d’Edward Colston. Né à Bristol en 1636, il est présenté comme un «marchand et philanthrope, membre du Parlement britannique qui a construit l’essentiel de sa fortune grâce au trafic d’esclaves».
Les manifestations se sont déroulées dans une ambiance bon enfant. Il y a cependant eu quelques échauffourées violentes, notamment samedi soir devant Downing Street, alors que la plupart du défilé s’était dispersé. Matt Hancock, ministre de la Santé, a tenté de convaincre les milliers de manifestants de cesser leur mouvement. «Les protestations de masse risquent de propager le virus», a-t-il dit, en rappelant que le Covid-19 touche disproportionnellement les populations d’origine BAME (Black, Asian, Minority Ethnic). Mais il n’a pas été écouté.
L’évêque de Douvres, la révérende Rose Hudson-Wilkin, première évêque noire de l’Eglise d’Angleterre, a rappelé que le racisme tuait aussi. Elle a estimé sur la BBC que «la plupart des personnes auront soigneusement évalué le risque de venir manifester». Mais «il existe une plus grande pandémie dans le monde que personne n’a vue ou entendue, ou contre laquelle nul ne s’est vraiment levé. Du coup, ces gens se sont dit: «Nous mourrons de toute façon, alors autant aller manifester.»
Alors que des manifestations avaient été organisées samedi à Paris, Varsovie ou Turin, de nouveaux rassemblements ont eu lieu hier à Copenhague, Bruxelles et Glasgow. Des milliers d’Espagnols et d’Italiens ont rejoint les rangs des manifestants antiracistes à travers le monde. Ils étaient environ 3000 à Madrid devant l’ambassade des Etats-Unis à la mi-journée et plusieurs centaines à Barcelone.
A Rome, sur la Piazza del Popolo, une manifestation spontanée a réuni des milliers de jeunes qui se sont agenouillés en silence, le poing levé, pendant 8 minutes 46, le temps pendant lequel le policier Dereck Chauvin a appuyé son genou sur le cou de George Floyd jusqu’à sa mort. En se relevant, ils ont crié: «Je ne peux pas respirer!»
En Allemagne aussi
La veille, une foule antiraciste avait déjà observé un silence de la même durée sur la mythique Alexanderplatz à Berlin. Samedi après-midi, une foule compacte, silencieuse, majoritairement masquée, familiale et vêtue de noir avait envahi le cœur de la capitale allemande avec les slogans «Justice 4 George Floyd», «Fuck Trump», «le racisme n’est pas un cas isolé», «l’indignation des uns est le quotidien des autres». Au moins 15 000 personnes s’étaient retrouvées à Berlin et des milliers d’autres dans tout le pays, de Munich à Francfort en passant par Cologne.
Fenja s’est fabriqué une pancarte : «Hey, Allemagne, tu as un problème de racisme!» dénonce le panneau de la jeune femme, qui a listé également le nom de victimes allemandes de violences policières – Yaya Jabbie, Oury Jalloh, ou encore N’deye Mareame Sarr – et ceux des victimes de l’attentat raciste de Hanau, en février. «Plein de Blancs pensent encore qu’il n’y a pas de problème de racisme en Allemagne, c’est faux, estime Fenja. Les choses n’ont pas changé, les médias sont encore très blancs. Mais j’ai le sentiment que cette fois, plus de Blancs s’impliquent.» © Libération
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