Le deal du fait accompli
Trump a présenté une «solution réaliste à deux Etats» pour résoudre le conflit israélo-palestinien
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29 janvier 2020 à 02:01
Proche-Orient » Après presque trois ans de rumeurs et reports, voici donc le «deal du siècle» censé régler le «plus grand challenge de tous» (dixit Donald Trump): le conflit israélo-palestinien. «Mais je n’ai pas été élu pour faire de petites choses», a souligné avec sa modestie habituelle le dealmaker autoproclamé. Hier soir, à la Maison-Blanche, le président américain a donc présenté son «remède nuancé» au côté du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou.
Son plan de 80 pages accorde à Israël nombre de concessions qui devraient susciter de vives réactions dans le camp palestinien. Celles-ci n’ont pas manqué, une manifestation de quelque 200 Palestiniens faisant au moins 13 blessés dans des heurts avec les forces israéliennes en Cisjordanie occupée. Aussitôt le plan annoncé à Washington, des Palestiniens se sont réunis à la sortie de Ramallah, certains brûlant des photos de Donald Trump et d’autres lançant des pierres en direction de soldats israéliens qui ont répliqué avec des tirs de gaz lacrymogène.
«Une solution réaliste»
«Ma vision présente (…) une solution réaliste à deux Etats», a lancé M. Trump en donnant des garanties inédites à son «ami» Benyamin Netanyahou. Celui-ci a salué «une journée historique».
Affichant son optimisme sur le devenir de ce projet «très détaillé», le locataire de la Maison-Blanche a estimé qu’il pouvait permettre de faire «un grand pas vers la paix». Un plan de paix que le mouvement Hamas, premier à réagir dans le camp palestinien, a immédiatement rejeté.
Le futur Etat palestinien ne verrait le jour que sous plusieurs «conditions», dont «le rejet clair du terrorisme», a immédiatement souligné le milliardaire républicain, détaillant un projet qui avait été rejeté d’avance, avec force, par les Palestiniens.
Colonies «annexées»
Jérusalem restera «la capitale indivisible d’Israël», a-t-il par ailleurs assuré, restant évasif sur les moyens de concilier cette promesse avec la proposition qu’il a reprise à son compte de créer une capitale de l’Etat palestinien à Jérusalem-Est.
Le premier ministre israélien a de son côté souligné que le plan de la Maison-Blanche octroierait à Israël la souveraineté sur la vallée du Jourdain, vaste zone stratégique de la Cisjordanie occupée. Elle est «vitale» pour Israël, a martelé M. Netanyahou, qui a annoncé que l’Etat hébreu allait «appliquer sa souveraineté».
Quelques minutes plus tard, l’ambassadeur des Etats-Unis David Friedman s’est fait encore plus explicite, affirmant que l’Etat hébreu pouvait annexer ses colonies «sans attendre». Et son président de tweeter une carte des deux Etats envisagés, avec en particulier un tunnel reliant la Cisjordanie à la bande de Gaza.
La dernière chance
Martelant sa conviction que les Palestiniens méritaient «une vie meilleure», il les a néanmoins mis en garde. Dans une lettre au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, il l’exhorte à saisir «une chance historique», et peut-être «la dernière», d’obtenir un Etat indépendant.
«Je lui ai expliqué que le territoire prévu pour son nouvel Etat resterait ouvert et sans développement» de colonies israéliennes «pendant une période de quatre ans», a-t-il précisé. Mais la partie s’annonce très difficile.
Le projet est contraire au droit international, d’après le premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh. «Ce n’est pas un plan de paix pour le Moyen-Orient», a-t-il martelé, jugeant que l’initiative visait avant tout à protéger «Trump de la destitution» et «Netanyahou de la prison». Signe que le calendrier est délicat, à un mois de nouvelles élections en Israël, où Benyamin Netanyahou est aux prises avec une inculpation pour corruption.
«Accord du siècle»
Le premier ministre israélien, qui se rendra dès aujourd’hui à Moscou pour informer le président russe Vladimir Poutine des détails du plan, n’a pas dissimulé son enthousiasme. «Monsieur le président, votre accord du siècle est la chance du siècle», a-t-il lancé depuis la Maison-Blanche. Moscou appelle pour sa part Israéliens et Palestiniens à «négocier directement pour trouver un compromis mutuellement acceptable».
On en est loin. Dimanche, Saëb Erekat, secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), a indiqué à l’AFP qu’il se réservait le droit de se retirer des accords d’Oslo, qui encadrent leurs relations avec Israël. Aux termes de ce traité de 1995 entre l’OLP et Israël, la Cisjordanie avait été partagée en trois zones: A, sous contrôle civil et sécuritaire palestinien, B, sous contrôle civil palestinien et sécuritaire israélien, et C, sous contrôle civil et sécuritaire israélien.
Or le plan de Donald Trump «va transformer l’occupation temporaire en occupation permanente», a dénoncé Saëb Erekat. Le plan Trump prévoit un Etat palestinien «démilitarisé».
Le projet américain avait aussi été rejeté par avance par le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, enclave palestinienne de deux millions d’habitants séparée géographiquement de la Cisjordanie, où se limite l’autorité de Mahmoud Abbas. Le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a mis en garde contre une «nouvelle phase» de la lutte palestinienne contre l’occupation israélienne.
Réactions dans le monde
Dans le monde, les réactions, tranchées, sont à la mesure de celles des protagonistes. L’Iran dénonce «le plan de paix de la honte imposé par l’Amérique aux Palestiniens qui constitue la trahison du siècle et est voué à l’échec», tandis que la Turquie évoque un plan Trump «mort-né», parlant de «plan d’occupation» voué à détruire tout espoir d’une solution à deux Etats.
Pour Londres, le plan présenté par le président américain est «une proposition sérieuse», mais Berlin relève que seule une solution «acceptable par les deux parties» peut conduire à la paix. ats/afp
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