Logo

Suisse

Climat. le captage du CO2 est désormais inévitable, mais comment faire?

La Suisse compte pouvoir supprimer 12 millions de tonnes de CO2 de l’atmosphère en 2050. Enjeux

La société zurichoise Climeworks a mis au point des aspirateurs qui captent le CO2 directement dans l’atmosphère.

 Sophie Dupont

Sophie Dupont

10 août 2022 à 04:01

Temps de lecture : 1 min

Climat » Retirer le CO2 de l’atmosphère et l’enfouir dans le sol… Pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), ces technologies sont désormais essentielles pour limiter le réchauffement climatique, que ce soit à 1,5 ou 2 degrés. A l’heure où le secteur privé investit des millions dans un business qui s’avère prometteur, le Conseil fédéral s’est doté d’une stratégie pour le captage et le stockage de CO2. Il a calculé que 12 millions de tonnes de gaz à effet de serre devaient être supprimées de l’atmosphère en 2050 afin d’atteindre la neutralité carbone. Enjeux.

1 » Objectif zéroémission en 2050

En 2020, la Suisse a émis 43 millions de tonnes équivalent CO2 (contre 53 millions en 1990). Et cela ne concerne pas les émissions importées, à travers les biens de consommation par exemple, ni le trafic aérien. Dans trente ans, elle vise des émissions neutres, pour respecter les accords de Paris. «Le premier pilier, le plus important, est de réduire les émissions au maximum. Mais certaines seront difficiles à éviter, dans les secteurs de l’agriculture, de la cimenterie et de l’incinération des déchets», indique Andrea Burkhardt, responsable de la division climat à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

Le gouvernement compte donc utiliser des technologies d’émission négatives, pour capter le CO2, d’une part à la sortie des installations émettrices et d’autre part directement dans l’atmosphère. Une troisième partie sera captée via la biomasse. Il estime nécessaire de capter et stocker 12 millions de tonnes équivalent CO2 par année dès 2050 pour atteindre un bilan carbone neutre. Sur ce montant, l’industrie et les déchets fossiles représentent 7 millions et l’agriculture 5 millions.

2 » Des investissements importants

«Nous sommes au tout début d’un processus, dans une phase pionnière. Il reste trente ans et il était indispensable de mettre en place une stratégie pour donner un cadre à ces technologies», affirme Andrea Burkhardt. L’industrie a compris que les possibilités de profits sont énormes. Précurseur au niveau mondial, la société zurichoise Climeworks a annoncé en juillet avoir levé 650 millions de dollars auprès d’investisseurs. L’entreprise a mis au point des aspirateurs qui captent le CO2 directement dans l’atmosphère. Elle développe ses activités de stockage en Islande, où le carbone est injecté à 1000 mètres de profondeur et pétrifié lorsqu’il entre en contact avec le basalte. D’autres introduisent le CO2 capté à la sortie des cheminées dans du béton. Mais le coût de ces technologies reste élevé, entre 150 et 400 fr. la tonne retirée, selon le processus utilisé.

«L’idée n’est pas de subventionner les entreprises, mais de donner un coup de pouce»
Andrea Burkhardt

La Confédération a aussi mis la main au porte-monnaie, dans le cadre des fonds pour l’innovation. «Nous n’avons pas de budget réservé pour ces technologies, mais nous soutenons des projets pilote. L’idée n’est pas de subventionner les entreprises, mais de donner un coup de pouce avant de parvenir à une production industrielle, qui sera moins chère», précise Andrea Burkhardt, sans articuler de montant global dédié à ces technologies.

L’Office fédéral de l’énergie a par exemple soutenu un projet pilote de l’EPFZ qui vise d’une part à transporter environ 1000 tonnes de CO2 de Berne jusqu’en Islande pour le stocker et d’autre part à optimiser le stockage de 500 tonnes dans du béton, avec une contribution de 2,64 millions de francs.

Les actifs de la fondation Centime climatique – entre 50 et 70 millions de francs – seront également dévolus aux projets du secteur privé consacrés au captage de gaz à effet de serre, selon un accord conclu avec la Confédération en avril dernier.

3 » Un stockage en Suisse limité

En théorie, l’objectif est de stocker en priorité le CO2 en Suisse, dans le sous-sol et dans des «produits à longue durée de vie», soit des matériaux de construction. Le potentiel de stockage dans le pays est estimé à 3 millions de tonnes dans des sites géologiques et à 2,5 millions de tonnes dans le béton de démolition. «Des estimations plus récentes tablent toutefois sur un potentiel réalisable nettement plus faible», écrit toutefois le Conseil fédéral dans un rapport publié en mai. Dans le meilleur des cas, la Suisse réussirait donc à stocker à peine la moitié des 12 millions de tonnes de CO2 jugées «inévitables».

Swisstopo développe en collaboration avec les EPF un projet d’exploration pour le stockage géologique, avec un rapport prévu pour 2023. Et tout est à définir. «Qui est compétent pour définir les normes? Qui sera responsable juridiquement des sites de stockage? De nombreuses questions restent ouvertes», relève Andrea Burkhardt. Autre grande inconnue, l’acceptation populaire des projets de stockage.

4 » Des visées à l’étranger

La Confédération a donc déjà les yeux rivés vers l’étranger. Notamment vers l’Islande, où l’entreprise suisse Climeworks mène ses projets pharaoniques. «Nous négocions avec les autorités islandaises pour capter du CO2 directement sur place, pour le compte de la Suisse. Nous éviterions ainsi de le transporter», informe Andrea Burkhardt. Il n’existe pour l’instant pas de marché international pour les émissions négatives, mais les pays sont libres de faire des accords par voie bilatérale. «Nous devons nous mettre d’accord pour qu’il n’y ait pas de double comptage», relève Andrea Burkhardt.

Au-delà de ces projets, le transport de CO2 fait toujours partie des priorités de la Suisse. Par rail, par route, par bateau et par pipeline, toutes les options sont examinées. «La solution la moins chère passe par un pipeline. Des discussions sont en cours au sein de l’Union européenne, des investisseurs ont mis de l’argent à disposition», indique Andrea Burkhardt. La cheffe de la division climat de l’OFEV appelle toutefois à ne pas surestimer le potentiel des émissions négatives. «Le pire serait que les Etats et les entreprises renoncent à réduire leurs émissions. Cela doit rester la priorité», assène-t-elle. Le Courrier

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus