Logo

Biologie. Une mécanique bien huilée façonne la truffe du chien

Des scientifiques genevois ont décrypté les mécanismes physiques qui sous-tendent l'apparition des sillons caractéristiques de la truffe du chien ou du nez d'autres mammifères. La croissance inégale des différentes couches de tissus au stade embryonnaire est en cause.

Ces travaux décrivent pour la première fois le processus de morphogenèse de la truffe du chien. Ils pourraient permettre d’expliquer la formation d’autres structures biologiques associées à des vaisseaux sanguins (archives).KEYSTONE/LAURENT GILLIERON

ATS

ATS

22 octobre 2024 à 17:00, mis à jour à 17:17

Temps de lecture : 2 min

La peau glabre du rhinarium (truffe) de nombreuses espèces de mammifères possède un réseau de polygones formés par des rainures. Celles-ci, en retenant les fluides physiologiques, permettent de garder le nez humide et, entre autres, de faciliter la collecte de molécules odorantes et de phéromones.

Le groupe de Michel Milinkovitch, professeur au Département de génétique et évolution de l’Université de Genève (UNIGE), a analysé en détail comment se forment ces motifs chez l’embryon en utilisant des techniques d’imagerie et de simulations informatiques.

Visualisation en 3D

L’équipe a analysé des rhinaria d’embryons de chiens, de vaches et de furets. Ces échantillons ont été observés par microscopie dite de fluorescence à feuille de lumière, une technique permettant de visualiser les structures biologiques en trois dimensions.

Les scientifiques ont constaté chez les trois espèces de mammifères que les réseaux polygonaux de plis de l’épiderme apparaissent au cours de l’embryogenèse et qu’ils se superposent systématiquement à un réseau sous-jacent de vaisseaux sanguins rigides, localisés au niveau du derme, la couche profonde de la peau. Ils ont observé que la prolifération des cellules de l’épiderme était plus rapide que celle des cellules du derme.

Un modèle mathématique a permis aux scientifiques d’effectuer des simulations informatiques de croissance des tissus. Celles-ci prennent en compte la différence de vitesse de croissance entre le derme et l’épiderme, leurs rigidités respectives et, surtout, la présence de vaisseaux sanguins dans le derme.

Points d'appui

"Nos simulations numériques montrent que le stress mécanique généré par la croissance excessive de l’épiderme se concentre aux positions des vaisseaux qui forment des points d’appui rigides. Les couches épidermiques sont alors repoussées vers l’extérieur en formant des dômes - un peu comme des voûtes s’élevant contre des piliers rigides", explique Paule Dagenais, post-doctorante et première auteure de l’étude, citée mardi dans un communiqué de l'UNIGE.

"C’est la première fois que ce mécanisme, que nous appelons ‘information positionnelle mécanique’, est décrit pour expliquer la formation de structures au cours du développement embryonnaire", conclut Michel Milinkovitch. Des scientifiques français et espagnols ont également contribué à des travaux publiés dans la revue Current Biology.