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Suisse

Une rocade et des frustrations

Le Conseil fédéral s’est réparti les départements. Karin Keller-Sutter hérite des Finances, Albert Rösti de l’Environnement et Elisabeth Baume-Schneider de Justice et police. Alain Berset reste à l’Intérieur


Philippe Castella

Philippe Castella

9 décembre 2022 à 02:01

Conseil fédéral » Il n’y aura pas de grand chambardement au sein du Conseil fédéral. Le bruit courait depuis quelque temps qu’Ignazio Cassis (Affaires étrangères), Viola Amherd (Défense) et Alain Berset (Intérieur) pourraient rester à la tête de leur département, de même que Guy Parmelin (Economie), ce qui était plus attendu. On en a eu confirmation à l’issue de la séance que le nouveau collège a tenu hier pour se répartir les fauteuils ministériels. Au final, seule la libérale-radicale Karin Keller-Sutter migre de Justice et police (DFJP) aux Finances. Quant aux deux petits nouveaux, la socialiste Elisabeth Baume-Schneider hérite du DFJP et l’UDC Albert Rösti s’empare du Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC).

Ce dernier choix en particulier suscite déjà beaucoup de réactions. «Nos pires craintes se sont réalisées», vitupèrent ainsi les Verts dans un communiqué. L’objet de leur courroux: «Le baron du pétrole s’empare de l’environnement», comme ils l’écrivent, allusion au fait que le Bernois est président d’Auto-Suisse et ancien président de Swissoil. Et selon les Verts, il «risque de renvoyer la politique climatique suisse des années en arrière».

«Un passage en force»

Aux yeux de Lisa Mazzone, «c’est un passage en force du PLR et de l’UDC», à savoir que les quatre ministres issus de ces deux partis et formant une majorité au sein du Conseil fédéral auraient imposé leur choix. La sénatrice verte genevoise ne comprend pas que «l’ancien lobbyiste des énergies fossiles et de l’automobile se retrouve à la tête du DETEC, alors que c’est ce département qui doit donner des réponses à l’urgence climatique». Pour Lisa Mazzone, «cela montre à quel point le Conseil fédéral prend cette question au sérieux».

Dans la même veine, la Grève du climat juge «catastrophique» la nomination de ce ministre «climatosceptique». Et de préciser dans son communiqué: «Sur la ligne de son parti, il a longtemps entonné la petite musique de fabrique du doute instillée par l’industrie des énergies fossiles, remettant en cause la responsabilité humaine dans le changement climatique et la gravité de celui-ci.»

L’UDC très satisfaite

Le Parti socialiste se montre également critique envers cette attribution. «Le PLR et l’UDC mettent ainsi en péril les progrès réalisés par Simonetta Sommaruga en matière de protection du climat, de sécurité de l’approvisionnement et de service public», estime le parti dans son communiqué.

Tout à l’opposé, l’UDC se frotte les mains: «Ce changement met enfin un terme à l’aveuglement en termes de politique énergétique, marqué par une idéologie de gauche rose-verte totalement irresponsable», salue le premier parti de Suisse.

De son côté, l’actuel président de la Confédération, Ignazio Cassis, qui a piloté cette séance de répartition, a tenu à préciser qu’il s’agissait là d’une «décision consensuelle» auquel le collège a abouti après «une discussion de deux heures». Le Tessinois a ajouté qu’aucun vote n’a été nécessaire. «Le but était de trouver la meilleure répartition des tâches dans l’intérêt du pays», a-t-il expliqué.

Nouvelle tête aux Finances

Ignazio Cassis a aussi mis en avant «la nécessité de maintenir la continuité dans la gestion des dossiers de politique intérieure et extérieure». C’est là une manière de justifier le fait qu’il n’a pas voulu procéder à une rocade avec Alain Berset, une idée que d’aucuns caressaient pour tenter de débloquer le dossier européen.

L’autre grande information du jour, c’est le transfert de Karin Keller-Sutter aux Finances, un poste que lorgnait aussi, semble-t-il, Alain Berset, qui a dû se sentir bien frustré à l’issue de la séance d’hier, car il n’avait pas de majorité au sein du collège pour le revendiquer. Il s’agit là d’un département stratégique qui permet de se mêler des affaires de l’ensemble des autres départements. Ce transfert pourrait donc faire de «KKS», comme on la surnomme, la femme forte du nouveau collège.

Présente à la conférence de presse, la libérale-radicale a montré de la retenue face à l’ampleur des défis qui l’attendent pour éviter que les finances fédérales ne plongent dans le rouge. «Il n’y a pas de solution miracle», a-t-elle prévenu. «Ce sera déjà un défi de présenter un budget 2024 conforme au frein à l’endettement.» Parmi les autres dossiers forts qui l’attendent, la Saint-Galloise a mentionné celui du taux minimal d’impôt fixé à 15% pour les grandes entreprises, sur lequel le peuple se prononcera en juin, ainsi que la réforme pour une imposition individuelle des couples.

Baume-Schneider à la Justice

Karin Keller-Sutter n’a affiché en revanche aucun remords à remettre le DFJP à la nouvelle venue, Elisabeth Baume-Schneider, alors que le nombre de réfugiés explose à nouveau: «Si la question de l’asile était déterminante, je devrais rester durant des décennies à mon poste, car il y a toujours beaucoup de fluctuations dans ce domaine.»

Petit détail piquant en ce qui concerne la Jurassienne: en devenant ministre de la Justice, la voilà qui hérite également de la… question jurassienne, avec en particulier le transfert à venir de la ville de Moutier dans le canton du Jura.

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