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Suisse

«Un taux relativement modeste»

La Banque nationale suisse poursuit son combat contre l’inflation en portant son taux directeur à 1,5%


 Maude Bonvin

Maude Bonvin

24 mars 2023 à 02:01

Marchés » La Banque nationale suisse (BNS) a suivi son cap, en augmentant hier de 50 points de base ses taux d’intérêt à 1,5%. Selon les analystes de Vontobel, elle a fait la différence entre les problèmes des banques américaines et ceux de Credit Suisse, qui s’expliquent par une perte de confiance suivie d’une fuite massive de clients. Problèmes qui n’ont rien avoir avec la politique monétaire.

Ce resserrement se justifie par l’inflation, qui a atteint 3,4% en février. Rappelons que l’objectif de la banque centrale se situe entre 0 et 2%. «Un relèvement du taux directeur est nécessaire. Plus l’inflation se consolide et s’étend, plus il devient difficile de la combattre», a affirmé le président de la BNS, Thomas Jordan, qui n’exclut pas d’autres hausses au cours des prochains mois.

L’institut d’émission estime que la stabilité du secteur financier est assurée avec le rachat de Credit Suisse par UBS. Il juge aussi que cette fusion était la meilleure solution en raison d’une énorme pression au niveau du temps. Pour le directeur du Centre de droit bancaire et financier à l’Université de Genève, Luc Thévenoz, la banque centrale a la possibilité de fournir des liquidités à un établissement solvable, mais elle ne peut pas le sauver lorsque la confiance disparaît. Interview.

Quel impact la décision de la BNS de relever de 50 points de base son taux directeur revêt-elle pour les banques?

Luc Thévenoz: Il s’agit d’un phénomène connu. Il y a déjà eu plusieurs hausses l’an passé. De manière générale, de telles augmentations améliorent les marges des banques sur leurs crédits et le revenu de leur trésorerie. Chaque cas est particulier. Il faut examiner le bilan des établissements un par un. Et un taux à 1,5% reste relativement modeste en comparaison internationale.

Ce relèvement a-t-il des conséquences sur les prêts de la BNS et de la Confédération à Credit Suisse et UBS, suite à l’annonce de leur fusion?

Les taux d’intérêt qui seront exigés de Credit Suisse et d’UBS n’ont pas été annoncés. Il s’agit probablement de taux d’intérêt variables. Si tel est le cas, le crédit sera plus cher.

Quelles sont les prochaines étapes avant la fusion?

Les autorités de la concurrence étrangères doivent encore se prononcer sur cette opération. Elles ont néanmoins tout intérêt à valider cette transaction. Sur le plan juridique, j’imagine que la fusion se réalisera assez rapidement. Au niveau opérationnel, c’est une tout autre histoire.

Le droit de la concurrence a-t-il été bafoué en Suisse? La Comco n’ayant pas donné son aval au rachat…

Lorsqu’une fusion telle que celle entre UBS et Credit Suisse est nécessaire pour protéger les intérêts des créanciers, la loi sur les cartels prévoit que la Finma (l’autorité de surveillance, ndlr) prenne la main. Elle doit alors consulter la Commission de la concurrence, mais n’est pas soumise à son accord. Le sauvetage d’une banque requiert une intervention urgente. Les effets sur la concurrence peuvent être corrigés sur un temps plus long. Cette manière de faire n’a rien de choquant. Elle figure dans la législation depuis 2007.

Lors de la crise financière de 2008, une telle intégration n’aurait sans doute pas été possible…

Les parts sur le marché suisse d’UBS et de Credit Suisse étaient alors plus importantes. Depuis Raiffeisen, Postfinance et la Banque cantonale de Zurich ont pris de l’ampleur. Ce problème est moins aigu qu’en 2008.

Ce rachat était-il finalement nécessaire?

La BNS a la possibilité de fournir des liquidités à une banque solvable, mais elle ne peut pas la sauver lorsque la confiance est perdue. Elle n’a pas le mandat légal de le faire. Elle est chargée de la politique monétaire. C’est la raison pour laquelle elle jouit d’une grande indépendance.

La Finma a une mission de surveillance. Elle doit veiller à ce que les mesures nécessaires à la protection des créanciers soient prises en temps utile, mais elle ne peut pas engager l’argent du contribuable pour sauver une banque. Seul le gouvernement, avec l’accord du parlement, peut décider d’utiliser des deniers publics.

Dans la fusion annoncée dimanche, la Confédération a fourni des garanties pour un maximum de 109 milliards de francs. L’intervention gouvernementale a aussi une dimension politique, à l’égard de la Suisse mais aussi de l’étranger.

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