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Suisse

Votations fédérales. Score canon pour l'imposition des grandes entreprises

L’introduction d’un taux minimal d’impôt à 15% pour les grandes entreprises a été plébiscitée


Philippe Castella

Philippe Castella

19 juin 2023 à 04:01

Fiscalité » Près de quatre Suisses sur cinq ont approuvé l’introduction d’un taux d’impôt minimal de 15% pour les grandes entreprises (78,4% de oui), de même que tous les cantons. Un score canon à la hauteur de l’importance de cette réforme voulue par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et le G20 (pays les plus industrialisés du monde) afin de limiter la concurrence fiscale entre les pays.

«Cela va permettre à la Suisse de mettre en œuvre la réforme en même temps que d’autres pays économiquement importants, ce qui évite de perdre des recettes fiscales au profit de l’étranger», a salué la nouvelle ministre des Finances Karin Keller-Sutter, qui fête là une première victoire très confortable.

En bonne compagnie

La Suisse devrait s’embarquer en effet dès le 1er janvier 2024 avec l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon et le Canada pour appliquer ce nouveau taux. Il ne s’appliquera qu’aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros par an (735 millions de francs). Seules quelques centaines d’entreprises suisses sont concernées, ainsi que quelques milliers de filiales de groupes étrangers.

Karin Keller-Sutter se défend toutefois de voir dans ce plébiscite un soutien à une taxation plus élevée des grandes entreprises: «Le fait de savoir que les autres Etats pouvaient garder les recettes si on n’introduisait pas cet impôt minimal a emporté la décision», estime la libérale-radicale.

Une perte d’attractivité

C’est pour la même raison, et non par enthousiasme, que le monde de l’économie soutenait ce projet avec ardeur. «Cette réforme offre une sécurité juridique aux entreprises et permet de garder les recettes en Suisse», souligne Vincent Simon, responsable des projets fiscaux au sein d’Economiesuisse. Il tempère aussitôt: «Mais cette hausse d’impôts réduit un peu l’attractivité fiscale de notre pays. Il faudra être attentif à renforcer d’autres atouts.»

De même, pour Olivier Feller, «c’est un vote de raison. Ne pas suivre ce mouvement général, cela aurait été le pire des scénarios pour un petit pays exportateur comme la Suisse», argue le libéral-radical vaudois.

Pour le Parti socialiste, la défaite est sévère. D’autant plus qu’il avait pris l’habitude de gagner ses combats référendaires en matière de fiscalité ces dernières années: contre l’abolition de l’impôt anticipé sur les intérêts des obligations suisses (52% de non), contre la suppression du droit de timbre d’émission (62,7% de non) et contre le relèvement des déductions fiscales pour enfants (63,1% de non).

«Une défaite attendue»

«Effectivement, c’est une défaite, mais on s’y attendait», reconnaît son vice-président Samuel Bendahan. Aux yeux du Vaudois, ce n’est pas la complexité du dossier qui a constitué un obstacle infranchissable: «On a gagné des votations sur des sujets très compliqués, comme le droit de timbre ou l’impôt anticipé.» Et de confesser: «Le problème là, c’est qu’on était d’accord sur le fond.» Le PS a en effet toujours milité en faveur d’une désescalade en matière de concurrence fiscale.

C’est sur la répartition de la manne qu’il a buté dans ce dossier. Ce nouvel impôt complémentaire devrait rapporter entre 1 et 2,5 milliards de francs par an. La Confédération ne conservera qu’un quart du pactole. Les trois autres quarts iront aux cantons, et principalement aux plus concernés par cette réforme, à savoir Zoug et Bâle-Ville.

Le PS soutenait une répartition moitié-moitié, afin de renforcer notamment le soutien à la création de places de crèches. Un message contorsionné, à tel point d’ailleurs que la direction du parti ne voulait pas s’engager dans cette campagne. C’est sa base qui l’y a forcée en assemblée des délégués. La campagne du PS a été marquée dès lors par un manque de motivation, qui a sans doute contribué à la déculottée.

Répartition à rediscuter

Tout n’est peut-être pas encore dit toutefois sur cette question de la répartition de la manne. Le peuple suisse a donné mandat au Conseil fédéral de mettre en œuvre cette réforme par voie d’ordonnance. Celui-ci aura ensuite six ans pour l’inscrire dans le droit ordinaire.

«On pourra alors rediscuter de la question de la clé de répartition», a d’ailleurs reconnu hier Karin Keller-Sutter. «A ce moment-là, on aura acquis les expériences pour le faire, à commencer par les recettes, pour lesquelles nous n’avons qu’une estimation très vague.»

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