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Suisse

Sans fuel dans les airs

Pionnière, la Suisse accueille en Gruyère le premier avion 100% électrique validé par l’Europe


 Louis Rossier

Louis Rossier

17 juillet 2020 à 00:57

Temps de lecture : 1 min

Aviation » Dans la zone industrielle d’Epagny, une camionnette aux plaques étrangères traîne une remorque d’une petite dizaine de mètres. Elle s’immobilise devant un hangar. Un Slovène bedonnant s’en extrait péniblement pour activer une manivelle sur le bord de son chargement. La remorque, cachalot métallique, s’entrouvre alors et révèle un petit avion aux ailes détachées, repliées sur ses flancs comme celles d’un oiseau endormi. C’est le Pipistrel Velis Electro, le tout premier avion électrique à obtenir une certification européenne.

«C’est une grande fierté», reconnaît Marc Corpataux, directeur de la société AlpineAirPlanes. C’est sous l’initiative de ce pilote, représentant du constructeur slovène Pipistrel, qu’ont démarré, en Suisse en 2017, les efforts en vue de recevoir la certification.

Un smartphone dans les mains, le Singinois immortalise la livraison du premier des 14 appareils commandés, un large sourire sur les lèvres. Dans l’ombre du hangar derrière lui, on aperçoit quatre avions dont la silhouette évoque celle du nouveau venu. «Les prototypes», indique le pilote.

Nouvelles normes légales

Ces appareils expérimentaux ont enchaîné tests et démonstrations dans le ciel helvétique pour démontrer à l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) qu’ils n’avaient rien à envier à leurs cousins biberonnés au kérosène. Mais il ne suffisait pas de vérifier leur fiabilité: «Le cadre légal a été façonné en fonction des appareils existants, soit des avions à moteurs à pistons ou turbine, explique Antonello Laveglia, porte-parole de l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC). Les aéronefs à propulsion électrique n’étaient pas prévus.»

Cet oubli touche tous les aspects normatifs: la certification, les opérations, la maintenance, les qualifications et les licences des pilotes, etc. Il faudra encore plusieurs années à l’AESA pour adapter ses normes.

«Une issue à l’impasse est offerte par le règlement européen, rassure Antonello Laveglia. Il permet d’accorder des dérogations aux exigences prévues dans le cas où attendre le développement du cadre légal impliquerait un retard significatif pour l’introduction de nouvelles technologies.» La Suisse ouvre le bal en accordant la première ces dérogations. Marc Corpataux dit s’attendre prochainement à un geste similaire du côté de la France.

Pour les écoles de vol

Mais pour l’heure, il n’y a qu’en Suisse que se déploieront ces zincs aux propriétés inédites. «A l’intérieur, pilote et copilote peuvent s’entendre sans porter de casque de protection», avise Marc Corpataux. Non polluants, silencieux, bon marché, ces appareils présentent comme principal défaut une faible autonomie. Avec cinquante minutes de vol fournies par une batterie lithium-ion de plus de soixante kilos, ils sont destinés à la formation des nouveaux pilotes dont les vols brefs à proximité de la piste de décollage ne se trouvent pas pénalisés par ces limitations techniques.

«L’avantage de cet avion, relève Taja Boscarol, porte-parole de Pipistrel, c’est que son pilotage est similaire à celui d’un avion à essence. Le cockpit, les contrôles et le tableau de bord sont identiques.»

Financement étatique

Ce sont ses vertus écologiques qui font le succès du Velis Electro: «L’aviation est le moyen de transport qui pollue le plus au monde», concède Ivo Boscarol, père de Taja Boscarol et fondateur de Pipistrel. «C’est notre devoir à tous de contribuer d’une manière ou d’une autre à une mobilité plus propre.»

AlpineAirPlanes va d’ailleurs jusqu’à équiper ses clients de panneaux solaires garantissant une source d’énergie renouvelable à ses coucous. Autant d’efforts qui leur ont permis de profiter du financement spécial de la Confédération tiré de l’impôt sur les huiles minérales. Coordonnés par l’OFAC, ces fonds bénéficient aux mesures qui visent à limiter les effets du trafic aérien sur l’environnement. L’aviation électrique, inévitablement, éveille de nombreux espoirs.

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