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Suisse

Les Verts ont un président philosophe

Balthasar Glättli a repris la présidence des Verts suisses. Sa paternité a renforcé son engagement, dit-il


 ariane gigon, Zurich

ariane gigon, Zurich

22 juin 2020 à 04:01

Portrait » Un spécialiste de technologies, violoniste, philosophe, jeune papa et rhétoricien aimant les joutes verbales: à 48 ans, le Zurichois Balthasar Glättli, entré en politique il y a trente ans, semblait prédestiné à arriver au sommet de son parti. Depuis samedi, c’est fait. Il a succédé à la Bernoise Regula Rytz et a été élu lors d’une assemblée des délégués virtuelle. Portrait.

Il réfléchit avec passion, Balthasar Glättli. Il tourne parfois la tête, ferme les yeux, les paupières tremblent un peu, on sent que les réflexions tournent à toute vitesse dans sa tête. «Il pense en rond», commente Sophie Michaud Gigon, conseillère nationale écologiste (VD). «En séance, cela peut être long, on voit qu’il réfléchit au fur et à mesure. Mais quand il s’exprime à une tribune, il est absolument brillant.»

Les projecteurs ne font en tout cas pas peur au nouveau président du Parti écologiste suisse (PES), élu par écran interposé samedi. Et il les «fréquente depuis longtemps. Balthasar Glättli est en effet entré en politique à l’adolescence: «J’étais un rebelle à longs cheveux qui, d’abord, ne voulait pas entrer dans un parti pour rester indépendant», a-t-il rappelé aux délégués samedi. C’est pourquoi j’avais créé une organisation nommée WUM» (pour Welt Umwelt Mitwelt, soit monde environnement société).

Depuis, remarqué par le parti, auquel il a vite adhéré, il n’a cessé de s’engager. «La politique, c’est mon engagement le plus important, dit-il. J’aime faire ce travail d’abstraction que réclame la préparation d’une loi, transformer un problème concret en solution, puis le faire comprendre de façon claire et correcte lorsqu’il faut défendre un projet en votation par exemple.»

Fan de gadgets

Le presque quinquagénaire à l’allure juvénile est aussi philosophe, même s’il n’a pas fini son cursus universitaire. «J’ai essayé deux fois, dit-il, revenant après la première pause, prise pour fonder une start-up spécialisée dans l’internet. Mais l’élection au Conseil national a définitivement mis un terme à mes études!» Le Zurichois est aussi fan de technologies. «J’essaie de me refréner, annonce-t-il. Les gadgets technologiques, ce n’est pas très compatible avec l’écologie, mais personne n’est cohérent à 100%.»

Au rayon cohérence, il dit vouloir «retenir les leçons de la pandémie et ne pas forcément faire toutes les séances en chair et en os. J’ai aussi promis à mon épouse de ne pas être loin tous les soirs!» Avec la socialiste Min Li Marti, également conseillère nationale, Balthasar Glättli forme un des rares couples politiques sous la coupole.

La naissance de leur fille, début 2018, a renforcé son combat politique. Soudain, sans élever la voix, il devient plus radical: «Le fait que j’ai maintenant une petite fille, dit-il en tapant la table de sa main, m’a fait comprendre que je dois faire la différence, pour elle. Ça sonne peut-être un peu kitsch. Avant je parlais des générations à venir, maintenant je sais de qui je parle. On me dit que je suis très intello, que je parle en concepts, mais l’arrivée de ma fille m’a redonné une motivation pour mon combat.»

L’homme n’élude aucune question («Je sais, j’ai beaucoup de défauts pour la présidence, je ne suis ni femme ni Romand, mais personne d’autre ne s’est présenté»), mais un élément de sa biographie l’irrite un peu, à force d’être souligné: sa leucémie, à laquelle il a survécu enfant. «Certains journalistes insistent lourdement, je trouve que c’est un peu exagéré», remarque-t-il.

«Dictionnaire ambulant»

S’il est quelque chose que tout le monde lui reconnaît, c’est sa force de travail. «On aurait dit qu’il ne dormait jamais», se souvient Pierre-Alain Niklaus, qui a écrit un livre critique sur le mouvement Ecopop avec l’écologiste. «Et c’est un dictionnaire ambulant.»

Le Zurichois a aussi droit à la reconnaissance d’un adversaire politique, Andreas Glarner (udc, AG), président de la Commission des institutions politiques, dont Balthasar Glättli est membre. «Ce n’est pas un vert, c’est un rouge, comme tous les écologistes, fait d’abord remarquer l’Argovien. Mais il est très bien préparé, respecte les règles et n’est pas fermé à d’autres idées, tout en étant un adversaire coriace.»

Sophie Michaud Gigon renchérit: «Avec ses valeurs, sa culture et son expérience, il est très crédible pour assumer la conduite du parti. Il a une solide force de proposition, n’est pas dogmatique et ses compétences stratégiques sont également très poussées. Et il est sensible aux minorités et ne se contente pas absolument de Zurich.»

Balthasar Glättli parle un très bon français, appris, comme il l’explique, lorsqu’il était directeur de l’organisation Solidarité sans frontières. «J’ai l’impression que je suis un autre politicien, en français», lâche-t-il. Les écologistes suisses pourront bientôt juger s’ils ont un ou deux présidents, selon la langue employée!

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