Que dit votre lettre au Vatican?
J’ai informé le Vatican de tous les cas d’abus dont j’avais connaissance. Dans ma lettre, tous les cas sont listés avec des questions. Celles-ci doivent aider le juge d’instruction à découvrir la vérité.
Dans quelle mesure ?
Par exemple: je suis au courant du cas XY. Est-ce qu’une enquête préliminaire a été menée ici ? Une procédure a-t-elle été engagée ? Quels en ont été les résultats ? Y a-t-il eu un jugement ? Cela doit aider le juge d’instruction à trouver la vérité. Et ensuite, on espère qu’il y aura une procédure ordinaire.
A quoi ressemblerait une telle procédure ordinaire?
Selon le droit canonique, cela signifierait : on entend tout le monde – et pas seulement l’auteur présumé. Dans les procédures extraordinaires, on n’entend souvent que l’inculpé. Par le passé, cela a conduit à l’abandon de nombreuses procédures. Seule une procédure ordinaire peut faire éclater la vérité au grand jour – et soit confondre un prévenu, soit le disculper.
Qu’est-ce qui vous motive personnellement?
Je pense aux victimes. Car il s’agit d’elles et non des ministres. Les ministres ont échoué. Moi aussi, à l’époque, en tant que vicaire général et official. Je l’assume. Mais aujourd’hui, quinze ans plus tard, je ne peux plus accepter que l’on continue ainsi. J’ai de nombreux entretiens avec des personnes concernées. Aujourd’hui encore, elles constatent régulièrement que leurs signalements restent sans conséquence pour les auteurs. C’est grave.
Avez-vous également informé les chercheurs de l’université de Zurich de ces accusations?
Oui, je leur ai donné toutes les informations. Ils les traitent sur le plan historique et Joseph Bonnemain, qui a été désigné par le Vatican comme enquêteur spécial, les traite sur le plan juridique. C’est important. Parallèlement à l’enquête historique, nous avons également besoin d’une enquête juridique. En tant qu’Eglise, nous avons longtemps été trop lents. Nous devons maintenant agir.
Pourquoi l’Eglise n’est-elle pas plus active?
Je ne comprends pas non plus. Même aujourd’hui, alors qu’il existe des commissions dans chaque diocèse, on fait souvent peu de choses. On se contente de transmettre les cas signalés au parquet. Et lorsque celui-ci déclare que le cas est prescrit, on l’archive encore aujourd’hui dans les diocèses. Pourtant, le droit canonique permet de lever la prescription. Pourquoi ne le fait-on pas? Parce que l’on découvrirait alors peut-être des vérités que l’on ne veut pas connaître. Et c’est une sorte de dissimulation qui est faite sciemment. Et ça, je ne peux plus l’accepter.
cath.ch/kath.ch/am/mp
Nicolas Betticher (61 ans) a été porte-parole de la Conférence des évêques suisses de 1995 à 2000. Puis chancelier du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg en 2001. Ordonné prêtre en 2007 après 20 ans de service en Eglise, il a été nommé vicaire général par Mgr Bernard Genoud en 2009. Après le décès de l’évêque et la prise de fonction de Mgr Charles Morerod, Nicolas Betticher est parti à Berne comme secrétaire de la nonciature. Depuis 2015, il est curé et responsable de la paroisse de Frère Nicolas à Berne. Il est en outre juge au tribunal interdiocésain.