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Suisse

Des Suisses de l’étranger en colère

Pour Ariane Rustichelli, directrice de l’Organisation des Suisses de l’étranger, il faut ressusciter l’e-voting

Ariane Rustichelli évoque les difficultés rencontrées par les Suisses de l’étranger à faire valoir leurs droits politiques.

 Katy Romy, Swissinfo

Katy Romy, Swissinfo

28 octobre 2019 à 02:01

Elections » La Cinquième suisse n’a, cette année, pas renouvelé l’exploit de faire élire l’un de ses représentants sous la Coupole fédérale. En 2015, l’ancien ambassadeur Tim Guldimann, établi à Berlin, était devenu le premier Suisse de l’étranger à siéger à Berne, avant de démissionner en 2018. Privés de système de vote électronique à la suite de la suspension des essais par la Confédération, les Suisses de l’étranger ont également moins participé au scrutin qu’il y a quatre ans. Dans le canton de Genève, la participation a par exemple diminué de 32 à 21%. Une situation qui n’est pas acceptable pour la directrice de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), Ariane Rustichelli.

La frustration est grande pour les Suisses de l’étranger qui n’ont pas pu voter, faute d’avoir reçu leur matériel de vote à temps. Certains veulent porter plainte pour invalider le scrutin. Peut-on l’envisager?

Ariane Rustichelli: Une plainte n’aurait quasiment aucune chance d’aboutir. Il faut rester réaliste. D’autant plus que le gouvernement a refusé de reconnaître l’e-voting comme troisième canal de vote officiel, au même titre que le vote à l’urne ou par correspondance. La colère des Suisses de l’étranger qui ne peuvent exercer leur droit de vote doit néanmoins être prise au sérieux. J’imagine que les gens qui évoquent une plainte souhaitent plutôt faire valoir la dimension symbolique.

Cette année, aucun des candidats de la Cinquième Suisse n’a été élu. Comment l’expliquer?

Tim Guldimann, qui était auréolé de son ancien poste d’ambassadeur, était une exception. Il était souvent dans les médias et aussi connu à Zurich, ce qui est essentiel pour être élu. Cette année, il n’y avait pas de figure suffisamment connue à l’intérieur du pays et capable de drainer assez de voix.

Lors de sa démission, Tim Guldimann avait estimé «difficile de vivre quelque part et de faire de la politique ailleurs». Peut-on remplir son mandat correctement en habitant à l’étranger?

Il y a certes des contraintes mais des aménagements peuvent être envisagés. On peut imaginer une participation aux séances des commissions parlementaires, réunissant une quinzaine de personnes, par vidéoconférence. A l’OSE, nous utilisons déjà ce dispositif pour les séances de notre comité. En revanche, en ce qui concerne les sessions du Conseil national, il serait difficile de mettre en place un tel système.

La participation des Suisses de l’étranger est en baisse dans presque tous les cantons où les chiffres sont disponibles par rapport à 2015. Comment interpréter cette tendance?

La première raison à cela est la disparition du vote électronique. En 2015 quatre cantons le proposaient. Dans ces cantons, on constate aussi que la participation est dramatiquement plus basse. La possibilité de voter en ligne influence directement la participation. Il y a aussi un phénomène de découragement. Les premiers tests ont été réalisés en 2003. En 2015, on avait trois systèmes de vote en ligne à disposition et maintenant plus aucun. L’e-voting avance à reculons. Enfin, la campagne a été assez peu émotionnelle. Si la question européenne avait été davantage thématisée, on peut imaginer que les Suisses de l’étranger auraient participé davantage car ils sont directement concernés.

Les chiffres montrent que la diaspora a plus voté pour les Verts. Pourquoi est-elle si écolo?

Je ne pense pas que les Suisses de l’étranger soient plus écolos. Cependant, dans beaucoup de pays dans lesquels ils vivent, les partis écologistes sont établis depuis plus longtemps qu’en Suisse. Ils font davantage partie du paysage politique et médiatique. Ils estiment peut-être que ce questionnement doit aussi être plus représenté en Suisse.

La victoire des Verts est-elle une bonne nouvelle pour l’OSE?

Je ne peux pas dire s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle. Nous avons déjà de très bons contacts avec des élus verts ou Vert’libéraux. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, comme avec tous les partis. Sur la question du vote électronique, nous n’avons pas encore réussi à trouver un terrain d’entente. Nous comprenons leurs inquiétudes concernant la sécurité du vote en ligne, qui est aussi fondamentale pour nous. Mais il n’est pas acceptable que 180 000 personnes ne puissent pas exercer leurs droits politiques. Nous devons donc nouer un dialogue direct et pragmatique avec eux.


Des citoyens sont privés de droit de vote

Participer aux élections du Conseil des Etats n’est pas une tâche aisée pour les Suisses de l’étranger.

Ils ne sont pas toujours autorisés à exprimer leur voix. Et quand ils le sont, ils doivent parfois renoncer à faire valoir leurs droits politiques. La moitié des cantons, dont Vaud et le Valais, refuse le droit de vote aux Suisses de l’étranger pour les élections au Conseil des Etats. D’aucuns s’étonnent de cette situation. «Nous avons reçu quelques téléphones de personnes surprises», reconnaît Maurice Chevrier, chef du Service des affaires internes et communales de l’Etat du Valais. «Mais dès que nous leur expliquons qu’il s’agit d’un droit cantonal, les personnes comprennent.» Les Vaudois de l’étranger semblent quant à eux s’accommoder de la situation. «Aucune demande de révision de ce droit ne nous est parvenue», précise Vincent Duvoisin, chef adjoint du Service des communes et du logement.

A Genève, Fribourg, Berne, Neuchâtel, le Jura, ainsi que dans huit autres cantons, les Suisses de l’étranger peuvent élire leurs conseillers aux Etats. Mais ils doivent parfois y renoncer. Bureaux de poste manquants ou service postal déficient peuvent les empêcher de retourner leur enveloppe de vote à temps.

D’après la loi fédérale sur les droits politiques, les cantons peuvent envoyer le matériel de vote aux Suisses de l’étranger au plus tôt cinq semaines avant les élections. Consciente du phénomène, la Chancellerie fédérale assure que la Confédération a pris plusieurs mesures pour améliorer la situation. A commencer par le délai d’envoi du matériel. En 2015, les cantons pouvaient l’envoyer jusqu’à dix jours avant le jour J. Désormais, c’est trois semaines auparavant. Les Suisses de l’étranger ne doivent plus s’annoncer tous les quatre ans auprès de leur commune de vote. Et les électeurs ne sont rayés des registres que si leur matériel est retourné trois fois de suite à l’expéditeur.

Concernant l’e-vote, la Chancellerie examine la possibilité de le réintroduire, après l’abandon du système de La Poste. L’ouverture de bureaux de vote dans les consulats ou ambassades n’est pas à l’ordre du jour. Si le citoyen lambda doit faire les frais des aléas postaux, la situation est tout autre pour les fonctionnaires qui peuvent recevoir et envoyer leur enveloppe par valise diplomatique. ATS


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