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Sports de combat

Lutte suisse. L’après-midi était de trop pour les Fribourgeois

Impeccables après trois passes, Gapany et Moser se sont pris à rêver, hier à la Fête d’Unspunnen


Pierre Salinas, Interlaken

Pierre Salinas, Interlaken

28 août 2023 à 01:05

Temps de lecture : 1 min

Lutte suisse » Les Fribourgeois sont plus du matin que de l’après-midi. Tel est le constat «deuxième degré» que l’on peut dresser de la Fête d’Unspunnen qui, six ans après la dernière, s’est tenue hier à Interlaken. Devant 16’000 spectateurs et sous un crachin qui, déjà, ne disait rien qui vaille, Benjamin Gapany et Steven Moser ont, telle la petite prune qui circulait dans les gradins, commencé par réchauffer le cœur de leurs nombreux supporters en rendant une copie immaculée après les trois premières passes: 30 points sur 30 possibles. Et si…?

Appuyés par un Lacois (Lario Kramer) et un Broyard (Romain Collaud) qui avaient décidé à leur tour de ne rien lâcher, les deux hommes se sont offert le droit de rêver. Avant que la pause dîner, mais aussi une poignée de couronnés fédéraux tous plus «méchants» les uns que les autres, ne les ramènent à la réalité. Non, le vainqueur de ce qui est l’un des trois plus prestigieux rendez-vous de la lutte made in Switzerland n’est pas «dzo», mais Samuel Giger, un colosse thurgovien de 194 cm pour 120 kg qui n’a rien laissé à ses six adversaires. Il n’empêche: et le Gruérien de 28 ans, et le Singinois d’un an son cadet, ont été les courageux protagonistes d’une journée d’autant plus mémorable qu’elle s’est terminée sous une forte pluie. Et pas seulement d’applaudissements.

Le Romand qui n’a pas lancé assez loin

«Ce n’est pas bon, mais c’est la vie.» Yvan Chapuis garde un sourire de circonstance mais le cœur n’y est pas. Quelques minutes plus tôt, le gros bras de 51 ans, citoyen de Forel, en Lavaux, avait laissé ses deux oreillettes et autant de ventricules sur une piste d’élan au bout de laquelle a été construit un bac à sable, tel un sautoir en longueur d’athlétisme. Car Unspunnen n’est pas qu’une fête de lutte à la culotte: c’est aussi une pierre de 83,5 kg qu’il sagit d’abord de soulever à bout de bras, ce que tout le monde ne réussit pas, puis de lancer.

Depuis août 2004, le record est détenu par le Singinois Markus Maire, auteur d’un jet à 4,11 m. Hier, Yvan Chapuis s’est arrêté à 3,24 m, alors qu’il lui aurait fallu 50 cm de plus pour accéder à la finale de l’après-midi.  «Mon objectif était de battre ou en tout cas de me rapprocher de ma meilleure performance, qui est de 3,50 m, mais, techniquement, ce n’était pas bon. En fin de geste notamment. Il y avait aussi un peu de stress lié à l’événement», souffle le «quinqua», que les caméras de la RTS ont suivi durant la matinée. Ceci expliquerait-il aussi cela?

A Interlaken, où les joutes n’ont lieu que tous les six ans, pas sûr qu’il reviendra. Mais, promis, juré, craché, Yvan Chapuis, en «professionnel (sic)» qu’il est, n’en a pas fini avec ces maudits cailloux, qui se conjuguent à toutes les tailles et par tous les temps. Pluvieux également. «Je suis un spécialiste des petites pierres: 50, 60 kg. Unspunnen, par exemple, c’est trop gros pour moi: je n’y arrive pas», déplore celui qui s’est imposé à la dernière Fête du Lac-Noir. Et qui n’hésite pas, une fois par semaine, à se rendre à Hellikon, dans la campagne argovienne, pour mieux s’entraîner. Son accent trahit ses origines vaudoises. Mais le seul Romand engagé hier se revendique – ein bisschen – Suisse alémanique aussi. «Ils auraient pu me snober, reprend-il, mais j’ai été au contraire bien accueilli. Les lanceurs, c’est une petite communauté: tout le monde se connaît et tout le monde s’apprécie.»

Précision importante: si, comme Yvan Chapuis, il vous plairait de tenter votre chance au lancer de la pierre d’Unspunnen, libre à vous de le faire. «Tout le monde peut participer. Mais après, il faut assumer», rigole celui qu’une boutade a suffi à consoler. Un peu.

Objectif atteint

«Est-ce que j’y ai cru? répète Benjamin Gapany, debout devant la porte qui mène aux vestiaires, le corps lavé mais pas sec. Oui, bien sûr, on y croit toujours. Vu comme c’était parti, tout était possible. Mais je perds contre Giger, qui était le meilleur aujourd’hui (hier), puis arrive un autre revers que je regrette un peu (contre le Bernois Kilian von Weissenfluh, ndlr). Là, je me dis que ma chance est passée. Mais à part cela, cette «première», car c’était la première fois pour moi, a été extraordinaire.»

Le citoyen d’Hauteville voulait gagner quatre combats: objectif atteint. Il a d’autant plus de mérite qu’il a créé une véritable surprise en troisième passe en parvenant à contrer un Pirmin Reichmuth que tout le monde lui pensait supérieur. La suite ne sera pas du même tonneau – ceux de bière ont contribué à mouiller la foule. Mais l’histoire se terminera par un succès, comme un sursaut d’orgueil. Comme une revanche, aussi, sur la fédérale de Pratteln, qu’il avait quittée sur une civière, la cheville en vrac.

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