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Histoire vivante

Sergent Rex, chien de guerre

Rex est l’un des premiers chiens envoyés en zone de combats, en Irak. Son ancien conducteur raconte


Kessava Packiry, New York

Kessava Packiry, New York

24 septembre 2020 à 19:48

Etats-Unis » Novembre 2019: le monde découvre les exploits de Conan, traquant dans un tunnel de Barisha, en Syrie, le chef de l’Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, qui finit par faire sauter son gilet explosif. Le berger malinois de quatre ans, engagé dans l’unité d’élite de la Delta Force, aura même droit aux honneurs de la Maison-Blanche. Mais, s’il y a un chien qui mérite tout autant d’être mis en avant, c’est Rex: il est l’un des premiers à avoir été déployés dans les zones de combats du Moyen-Orient, et a ouvert la voie aux chiens de guerre du corps des Marines des Etats-Unis. Ce berger allemand, spécialisé dans la détection d’explosifs, était sans doute l’un des plus doués de sa génération. Mike Dowling, son premier conducteur et ancien Marine, revient sur le parcours de ce compagnon d’exception.

 

«Depuis la guerre du Vietnam, les seuls chiens envoyés dans les zones de combats l’étaient pour assurer la surveillance des camps. Nous avions tout à réapprendre», raconte Mike Dowling depuis son domicile de Los Angeles. «Rex et moi avons été envoyés en Irak au printemps 2004, en même temps qu’une douzaine d’autres équipes canines, les K9 (prononcer Kénaïne, ndlr) Teams. Mon chien et moi avons été déployés à Mahmoudiyah, dans le «Triangle de la mort», et affectés chez des Marines connus sous le nom des «Seigneurs de Guerre», des durs qui avaient déjà combattu en 2003 lors de l’invasion de l’Irak. J’avais 25 ans, Rex trois, le même âge que moi dans la vie d’un chien.»

Détection d’explosifs

Le rôle de Rex: détecter les IED, ces engins explosifs improvisés que les insurgés enfouissent au bord des routes pour les faire sauter à l’approche d’un convoi. Le berger allemand était aussi amené à renifler les voitures suspectes, ou à dénicher les caches d’armes ou d’explosifs. «Autant de dangers qui menacent non seulement la vie des soldats, mais aussi celle de la population», insiste Mike Dowling, qui a tiré un livre de ses expériences et de la relation très étroite qu’il a entretenue avec son compagnon: Sergent Rex 1. Où l’on découvre que le chien a toujours un grade supérieur à celui de son conducteur, comme pour mieux renforcer le respect de l’homme envers son animal.

Cette relation allait évidemment au-delà du simple respect. «Rex était une extension de moi-même, dit Mike. Là où j’allais, il allait». Même sous les déluges de feu qui s’abattaient régulièrement sur le camp, ou lors des embuscades. Mike a toujours été admiratif de la manière dont son chien réagissait, faisant une entière confiance à son maître, ne se laissant jamais détourner de sa mission. Très protecteur, il n’acceptait des caresses que de Mike. Le général James Mattis, celui qui deviendra secrétaire à la Défense dans l’administration Trump – et qui démissionnera pour divergence de vues – a failli voir sa main croquée pour avoir voulu jouer avec Rex, rigole Mike.

«On se connaissait parfaitement Rex et moi. Et on se faisait confiance mutuellement.» Sur le terrain, Mike devait ainsi veiller à protéger son chien, prêt à se jeter sur lui en cas de feu nourri de l’ennemi. «J’avais un gilet de protection. Lui pas.» En Irak, le Californien n’a tué qu’une fois. Pas un homme. Mais un chien. Un molosse qui avait la rage et menaçait de fondre sur Rex. «Pour un homme qui aime les chiens, c’est dur. Mais je n’avais pas eu le choix.»

«On se faisait confiance mutuellement»
Mike Dowling

Dans la culture irakienne, le chien est considéré comme sale. Les gens n’en possèdent généralement pas. Mike se souvient du regard des habitants, horrifiés, lors d’une mission dans une maison: «C’est comme si Rex et moi débarquions de la planète Zorg: ils n’avaient jamais vu de K9 Team avant ça.» Avec les enfants, c’était très différent: «Ils étaient tous fascinés par Rex, ils imitaient mes gestes pour avoir une réaction du chien. Ils souriaient. Ils avaient cette innocente curiosité qui nous a permis, à nous les Marines, de pouvoir communiquer et de nous rapprocher de la population.»

Bon pour le moral

Les Marines aussi adoraient Rex: «Ils savaient que ce chien se démenait pour eux. Mais Rex était aussi devenu leur thérapie, qui pouvait remonter leur moral ou leur rappeler un animal qui les attendait à la maison», raconte Mike. Ils étaient également impressionnés par le boulot abattu par ce chien: plusieurs tonnes d’armes et d’explosifs flairées au cours des mois, souvent enfouies profondément. De «Sexy Rexy», Rex était devenu «T-Rex». Et tous voulaient partir en mission avec lui (et Mike). Au point que le binôme a enchaîné les sorties dans des conditions éreintantes, sous le soleil de plomb irakien, dans la peur constante de voir l’un ou l’autre mourir.

Pas facile d’aller sécuriser une route, lorsque le guetteur ennemi peut à tout moment faire sauter l’IED. Si, généralement, les insurgés préfèrent attendre qu’un convoi passe pour provoquer le plus de dégâts, ils ont vite compris que Mike et Rex représentaient une menace. Un jour, Mike a senti le souffle d’une balle lui passer devant le visage. Avant de voir que son chien avait également failli être touché. «Mec, ce sniper a voulu vous tuer!», s’est écrié le Marine à ses côtés.

«Mon meilleur ami, Adam Cann, a été tué lors d’une attaque-suicide. Il a été le premier conducteur de chien américain tué depuis le Vietnam. Son chien s’en est sorti. Nous savons tous que ce job est extrêmement dangereux. Mais sa mort m’a profondément choqué», confie Mike, qui a quitté l’Irak au terme de sa mission en automne 2004. Rex, lui, a enchaîné deux autres tours. Mais sous la conduite d’une autre personne. Parce qu’un chien de guerre reste la propriété du corps des Marines, qui investit 50’000 dollars dans sa formation. «La séparation a été très, très dure. On avait créé un lien si fort lui et moi, un lien que je n’avais jamais créé avec qui que ce soit dans ma vie. Ce n’est pas toujours facile pour le chien non plus: certains peuvent se sentir si mal qu’ils refusent de poursuivre le travail.»

A la retraite de Rex, en 2012, le corps des Marines a proposé à Mike de l’adopter. C’était son vœu le plus cher. Mais c’était aussi celui de la jeune femme qui avait hérité de la conduite de ce chien. «Lors de leurs tours en Irak, ils ont été blessés tous les deux par une IED. Ils s’en sont remis et sont repartis sur le terrain. A son retour, elle a voulu adopter Rex. Je l’ai soutenue dans ses efforts. Parce que je sais plus que tout ce dont ont besoin les guerriers blessés.» Rex est mort chez sa maîtresse quelques mois plus tard, à 11 ans. Dont dix passés au service des Marines.

 

Radio: Ve: 13h30

TV: 39-45, les animaux dans la guerre   Di: 20h50   Ma: 0h45

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