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Religions

L'âne et le boeuf sont-ils des imposteurs?

Noël • Jésus entouré de Marie, de Joseph, de bergers, de leurs moutons, des mages et des anges: tous les personnages de la crèche sont fidèles aux Ecritures. Tous? Non! Pas l’âne ni le bœuf. Explications d'un expert.

La crèche provençale, de plus de six mètres de large, de la famille Clément, est installée dans la salle de spectacle de la Tuffière. Sur près de six mètres de large, elle compte quelque 400 petits personnages et 350 animaux. Ici Jérôme Clément. Photo Lib/Alain Wicht, Corpataux, le 27.11.2012Alain Wicht/Alain Wicht/La Liberté

Grégory Roth, Cath.ch

Grégory Roth, Cath.ch

22 décembre 2015 à 17:00

Jésus n’a pas toujours dormi entre le bœuf et l’âne gris, en dépit de ce que veut bien nous faire croire la chanson. Si aujourd’hui leur présence dans la crèche est évidente, la Bible est formelle: aucun Evangile ne parle d’un bœuf et d’un âne pour garder le berceau de Jésus. Est-ce que l’intrusion tardive de ces animaux fait d’eux des imposteurs? Le professeur Philippe Lefebvre, bibliste à l’Université de Fribourg, se fait leur avocat.

- Comment défendre la place de l’âne et du bœuf dans la crèche?

Philippe Lefebvre: Alors que l’Evangile selon Matthieu parle de la naissance de Jésus dans une maison, l’Evangile de Luc raconte que Marie dépose son enfant dans une mangeoire. La mangeoire nous emmène dans un contexte d’étable, et donc d’animaux d’étable. A partir de là, tout est ouvert pour une imagination postérieure, des premières traditions chrétiennes jusqu’au Moyen-Âge où les franciscains ont vraiment développé cette conception de la crèche, dans laquelle se trouvent forcément des animaux.

- Alors pourquoi un âne et un bœuf?

Parce qu’ils sont fréquemment mentionnés dans la Bible. Par exemple, le verset du début du Livre d’Isaïe (Is 1, 3) est éloquent: «le bœuf connaît son possesseur et l’âne la crèche de son maître». Ce passage, qui remonte à près de huit siècles avant notre ère, permet une sorte d’ancrage biblique de ces animaux pour la crèche.

- Quel rôle la Bible attribue-t-elle à ces animaux?

Ils sont domestiques, c’est-à-dire qu’ils vivent en connivence avec les humains. Ils connaissent la voix de leur maître. Jésus compare d’ailleurs les disciples qui le suivent et l’entourent à des animaux: «mes brebis connaissent ma voix». Ces animaux habitent souvent sous le même toit que leur maître. Et habiter près d’une étable, pour un humain, c’est habiter un endroit chaud. En bref, les animaux et les humains sont en interaction.

- Placer dès lors des animaux dans la crèche, c’est répondre à cette interaction?

C’est répondre à une représentation biblique constante. Lorsqu’il y a un moment fort à vivre avec Dieu, tous les ordres de la Création sont convoqués. Quand il se passe quelque chose d’important qui vient de Dieu, il y a toujours des animaux, avec des végétaux, des humains et des anges. C’est le cas, par exemple, lorsque Moïse rencontre Dieu au buisson ardent (Ex 3): alors qu’il fait paître le troupeau, l’ange du Seigneur apparaît en flamme, dans le buisson.

C’est aussi le cas pour Jésus: naissant dans une mangeoire, où l’on place des végétaux pour nourrir les animaux, il est entouré de Joseph, Marie, et des anges qui ont invité des bergers et leurs troupeaux. Nous sommes dans une ambiance de récapitulation de toute la Création, et les animaux sont là pour tenir leur place, pour signifier que le monde des animaux est concerné par ce qui arrive.

- La Bible invite donc à une amitié hommes-animaux?

Oui, il y a dans la Bible un espoir continuel d’harmonie du monde, de l’écologie. C’est-à-dire de l’humanité vivant dans une nature pacifiée. Dans le passage du Livre d’Isaïe (Is 11, 6-7), où le prophète annonce la naissance d’un nouveau David – les chrétiens ont vu dans ces versets l’annonce du Christ bien avant lui –, il est dit qu’en ce jour-là, «le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble et un enfant les conduira, […] et que le lion, comme le bœuf, mangera des végétaux».

C’est une sorte de retour aux origines, puisqu’à la fin de la Genèse (Gn 1, 29-31), avant tout péché ou dissension entre les hommes et Dieu, on dit bien que la nourriture des êtres qui peuplent la terre est végétale. On ne tue pas d’animaux pour manger, mais on prélève les végétaux qui repousseront. Imaginez un monde où même les lions sont végétariens… Derrière cette imagerie, il y a véritablement l’idée d’une harmonie entre les animaux et les humains. Si la Bible ne mentionne pas explicitement la présence du bœuf et de l’âne dans la crèche de Noël, leur présence est suggérée pour alimenter cette harmonie à laquelle l’Ecriture Sainte invite

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