Des frères Lumière à «Bullet Train». le train passionne les cinéastes

Culture sur rails (4/7) » La Liberté traverse l’été à fond de train, d’où l’on voit le monde différemment.

Des premières expérimentations des frères Lumière il y a près de 130 ans aux aventures à grande vitesse de Brad Pitt en tueur à gage dans le Shinkansen japonais (Bullet Train, 2022), le train et son imaginaire ont toujours voyagé dans le même wagon que le cinéma. Symbole de peur, allégorie sexuelle (lire ci-contre), métaphore du destin, lieu de croisement des classes sociales ou tout simplement image de la révolution industrielle, le rail est un formidable terrain de jeu pour les cinéastes de tous genres, qui ne se sont jamais privés pour transporter le public vers des horizons fascinants.

Une entrée en gare historique

Au commencement La toute première apparition d’un train au cinéma remonte à 1895. Les frères Lumière alors en pleines expérimentations cinématographiques présentent au public d’un café parisien leur toute première production L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, un documentaire de 50 secondes dont le titre résume parfaitement la teneur. Des voyageurs en habits du dimanche attendent sur le quai de la gare de la petite ville proche de Marseille, où les frères Lumière ont leurs habitudes. Dans la diagonale des rails qui traversent le cadre, une locomotive à vapeur fait son entrée dans le champ. Elle grossit, puis ralentit. Des voyageurs descendent tandis que d’autres grimpent à bord de l’engin.

La légende raconte que lors de cette projection initiale, le public a pris peur et s’est levé, croyant que le train allait percuter les spectateurs. Les journaux de l’époque relèvent un mouvement de panique et des gens qui quittent la salle, terrifiés. Les historiens ont depuis quelque peu tordu le cou à cette légende. Le public aurait simplement eu un mouvement de recul, dû principalement à l’effet de surprise. Qu’importe, la légende du rail sur le grand écran était lancée.

Révolution A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le chemin de fer représente surtout la révolution industrielle et le progrès technique. A cette époque, le rail est l’unique moyen de transport permettant aux voyageurs de couvrir de longues distances. L’aviation civile n’existe pas encore et les automobiles sont réservées aux plus fortunés. Les trains à vapeur apparaissent notamment dans de nombreux westerns. Ce genre va cimenter sa légende notamment en filmant des attaques de trains à cheval par des Indiens ou des bandits.

La construction des lignes est également un thème central pour les films de l’époque, par exemple Le Cheval de fer de John Ford en 1924. Jusque dans les années 1960, le rail hantera le western, aussi bien chez Sergio Leone et sa célèbre séquence introductive d’Il était une fois dans l’Ouest ou dans Butch Cassidy et le Kid sous l’angle des pilleurs de banque et de trains. Le cinéma muet du début du XXe siècle n’est pas en reste, notamment en filmant pour la première fois une femme ligotée sur des rails et sauvée in extremis par le héros avant qu’une locomotive ne la fauche. Une image forte qui a été reprise un nombre incalculable de fois dans le cinéma ou l’animation.

Témoin des guerres

La guerre du rail Avant que l’aviation ne prenne son essor dans les années 1950, le rail demeurait la principale voie d’accès aux destinations lointaines. On retrouve logiquement ce moyen de transport dans des nombreux films de cette époque. Les films de guerre en particulier mettent en scène des trains. Par exemple, la Guerre de Sécession avec Buster Keaton et son Mécano de la General en 1926. Le rail ayant joué un rôle important dans ce conflit, on le retrouve souvent dans des longs-métrages consacrés à la Seconde Guerre mondiale. Tout le monde a en tête les images du Pont sur la rivière Kwai de David Lean en 1957 ou celles de L’Express du colonel Von Ryan de Mark Robson, en 1965. Le train peut également être une métaphore de la Résistance (La Bataille du rail de René Clément) ou encore le symbole de la fuite des populations persécutées (Le Train de Pierre Granier-Deferre).