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Histoire vivante

La machination diabolique du sabbat

Des milliers de sorcières et sorciers ont fini sur le bûcher sans qu’il n’y ait jamais eu de flagrant délit

Sabbat de sorcières, tiré de la Chronique de Johann Jakob Wick (XVIe siècle). Un rituel d’inversion où le Diable se fait embrasser le fessier.

 Pascal Fleury

Pascal Fleury

17 juin 2022 à 04:01

Sorcellerie » Des milliers d’hommes, femmes et enfants ont été condamnés à mort à la fin du Moyen Age et sous l’Ancien régime pour avoir participé à des sabbats de sorcières. Pourtant aucune de ces victimes n’a jamais été prise en flagrant délit lors de telles rencontres nocturnes avec le Diable. Comment en est-on arrivé à pareil fantasme et à une telle violence? Les explications de l’historien Lionel Dorthe, collaborateur scientifique aux Archives de l’Etat de Fribourg, qui vient de publier, avec Rita Binz-Wohlhauser, les 360 procès de sorcellerie recensés dans la région fribourgeoise¹.

Personne n’a jamais été pris en flagrant délit de participation à un sabbat. Pourtant, il y a eu des milliers de condamnations…

Lionel Dorthe: Le sabbat des sorcières est une pure invention. Il a été imaginé par des religieux qui en ont fait un concept idéologique et doctrinal. Le terme lui-même cache un antisémitisme ambiant. Dans leurs traités de démonologie, les clercs conçoivent une société opposée aux valeurs et normes chrétiennes. Les sabbats qu’ils décrivent, nommés parfois «synagogues», vont nourrir le mythe, en jouant sur le rite inversé de la négation de Dieu et de l’hommage à Satan. C’est ainsi que le baiser féodal devient un baiser sur le cul du Diable!

Comment expliquez-vous l’émergence de pareil imaginaire?

Ce modèle de «contre-société» apparaît vers la fin du Moyen Age, durant le premier tiers du XVe siècle. On est alors en plein changement d’époque. D’un côté, on traque les hérésies pour tenter de redorer le blason d’une Eglise romaine vivement critiquée. De l’autre, on doit s’adapter aux inventions: caractères d’imprimerie, techniques militaires, grandes découvertes… Dans notre région, les guerres de Bourgogne sont dévastatrices: les survivants n’ont «plus que de la terre à manger», écrit le châtelain d’Yverdon. On observe aussi la formation d’Etats et une conception plus stricte de la propriété. En ces temps de bouleversements, on craint le pire. En 1409, l’antipape Alexandre V dénonce la propagation de nouvelles sectes et rites interdits. On se met à croire en l’existence d’une société démoniaque de sorciers et sorcières, qui renverserait les valeurs chrétiennes.

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