Face au «marché de la peur»
La surabondance de contenus anxiogènes sur les réseaux sociaux dérégule le monde de l’information
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Gilles Labarthe
11 mai 2021 à 04:01
Perspectives » Nous sommes à un tournant majeur de l’histoire de l’humanité. Entre autres, dans notre capacité aujourd’hui à s’y retrouver – ou pas – dans la surproduction massive de messages infondés et autres «hameçons émotionnels» diffusés sur internet afin de capter nos attentions. La peur y occupe une place dominante, aux côtés de discours de haine et d’indignation, analyse le sociologue et professeur à l’Université de Paris Gérald Bronner dans son dernier livre au titre alarmiste – Apocalypse cognitive. Au risque de développer de nouvelles pathologies, et au détriment d’informations factuelles, hiérarchisées, structurées et argumentées, qui nous permettraient de penser correctement. Interview.
Votre ouvrage rappelle qu’avec le développement des sciences et de la technologie, jamais dans l’histoire de l’humanité, nous n’avons eu autant de «temps de cerveau humain disponible». C’est plutôt une bonne nouvelle?
Gérald Bronner: A priori, oui! Dans ce livre, j’annonce deux bonnes nouvelles. La première, c’est que d’après les données historiques, on peut affirmer que le temps de disponibilité mentale de l’homme connaît une progression inédite. Les chiffres sur ces deux derniers siècles, depuis le début de la période industrielle, montrent une véritable libération: huit fois plus de temps de cerveau humain, gagné sur le temps de travail, les tâches domestiques, avec l’aspirateur, le lave-vaisselle, etc., l’allongement de l’espérance de vie… La deuxième, c’est la disponibilité de l’information, en masses colossales: rien que ces dernières années, cela représente environ 90% de toute l’information produite et diffusée sur la Terre. Depuis 2013, la masse d’informations double tous les deux ans!
Ce temps gagné de disponibilité mentale est confronté en retour à une avalanche de contenus qui rivalisent en permanence sur internet…
Nous faisons face à une situation très importante. Le déferlement en continu d’informations est aujourd’hui tel que nous ne parvenons plus à traiter ça. Et il y a une concurrence généralisée de toutes sortes d’idées et contenus sur ce «marché cognitif». Alors, qu’est-ce qui va attirer en premier notre attention? Malheureusement, on constate que ce ne sont pas des informations qui servent le plus notre intérêt général…
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