Ce Fribourgeois publie un état des lieux de la biodiversité
Marc Vonlanthen propose dans son livre un état des lieux de la biodiversité, «l’autre crise écologique»
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22 mai 2023 à 15:30
Parution » «Le déclin de la biodiversité et les dérèglements climatiques ne peuvent plus être solutionnées par des choix individuels.» C’est l’un des constats de Marc Vonlanthen et de son livre La biodiversité – L’autre crise écologique, récemment paru aux Editions Savoir Suisse. Le Fribourgeois y dresse un état des lieux édifiant du déclin des espèces en Suisse et dans le monde et des politiques de préservation. Conseiller général socialiste à la ville de Fribourg et président de Pro Natura Fribourg, ce professeur de physique à la Haute Ecole d’ingénierie et d’architecture de Fribourg voit en cet ouvrage la possibilité de questionner notre rapport à la nature, mais aussi de proposer des pistes d’action.
Qu’est-ce qui est englobé dans le terme de biodiversité?
Marc Vonlanthen: Elle recouvre trois composantes: la diversité des espèces, la diversité des milieux naturels et la diversité génétique, à l’intérieur d’une même espèce.
Vous êtes physicien, pas biologiste. Pourquoi ce livre?
C’est vrai que je n’ai pas les connaissances techniques d’un biologiste, mais je n’ai pas cherché à écrire un livre académique de biologie. De plus, la physique, par ses méthodes et son champ d’investigation très vaste, ouvre la compréhension aux autres sciences de la nature. Je pense également avoir une bonne vision des enjeux politiques, économiques et éthiques. J’aime bien structurer et expliquer des idées. C’est peut-être ma fibre d’enseignant. Et puis en approchant la maison d’édition, j’ai remarqué qu’il manquait le frère jumeau du livre sur le climat de Martine Rebetez (La Suisse se réchauffe, ndlr).
«Mon idée c’est de montrer que les mêmes causes sont à la fois derrière le dérèglement climatique et le déclin de la biodiversité.»
Marc Vonlanthen
La biodiversité est donc le parent pauvre de l’écologie…
L’idée n’est pas de dire qu’elle l’est – même si ce qui est en train de se passer actuellement avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie est une transition énergétique menée au pas de charge qui pourrait bien se faire sur le dos de la biodiversité. Mon idée c’est de montrer que les mêmes causes sont à la fois derrière le dérèglement climatique et le déclin de la biodiversité. Il est très important de s’attaquer aux causes pour ne pas aboutir à une situation où pour décarboner notre économie, on va prendre des décisions qui vont en retour nourrir cet autre aspect d’une crise écologique généralisée qu’est le déclin de la biodiversité.
Est-ce un réel danger?
Oui. Depuis cinq ans, je n’ai jamais senti autant de pression que maintenant sur la biodiversité, même dans le canton de Fribourg. Il y a des majorités politiques qui ne se sont pas vraiment préoccupées de la transition énergétique depuis l’évidence du dérèglement climatique dans les années 1980. Tout à coup, elles finissent par comprendre ce que d’autres disent depuis près d’un demi-siècle, à savoir que la transition énergétique renforce l’indépendance de la Suisse. C’est cela qui pousse aujourd’hui ces majorités à réagir. C’est pour cela qu’on en vient à affaiblir la loi sur la protection des eaux pour augmenter la production hydroélectrique ou à parler de véritables forêts de panneaux solaires dans les Alpes – des milieux envers lesquels la Suisse a une responsabilité particulière. Si l’on avait agi plus tôt en prenant en compte les alertes des scientifiques, on aurait pu éviter de nombreux conflits d’objectifs.
L’inaction en faveur de la biodiversité a fait perdre quelque 7% du PIB à la Suisse en 2019, écrivez-vous. Va-t-on se préoccuper de la biodiversité uniquement parce qu’on risque d’y perdre de l’argent?
Après avoir introduit la valeur intrinsèque de la biodiversité dans les années 1960, il y a eu tout un nouveau narratif dans les années 2000 autour de la protection de la biodiversité. L’idée était de dire que si on ne voulait pas protéger la biodiversité en tant que telle, alors il fallait le faire en raison de notre dépendance économique. L’intention sous-jacente est de convaincre certains acteurs dont les finances et les chiffres d’affaires pourraient être affectés s’ils ne prennent pas mieux en compte la biodiversité. Ces fameux services écosystémiques dominent encore assez nettement les discours.
«La biodiversité se porte mal en Suisse.»
Marc Vonlanthen
Avec plus d’une espèce sur trois et plus d’un milieu sur deux jugés prioritaires, l’état de la biodiversité en Suisse est des plus préoccupants. Se voile-t-on la face?
Clairement. Il y a une discontinuité entre la perception qu’ont les Suisses de l’état de la biodiversité et la réalité. Nos vertes prairies et nos magnifiques montagnes sont en fait soumises à des activités intenses qui y érodent la vie. La biodiversité se porte mal en Suisse.
La Suisse est même en queue de peloton européen en matière de surfaces protégées…
Il y a vraiment très peu de zones consacrées à la biodiversité. Et certains milieux s’offusquent encore des restrictions mises en place. On doit être capable individuellement et collectivement de se mettre des limites et d’accepter qu’il y ait d’autres formes de vie qui ont besoin de leur espace. C’est une question assez fondamentale: la notion de respect ne s’applique pas seulement aux êtres humains. C’est ça, l’écologie: reconnaître que tout est lié et que l’être humain partage une communauté de destins avec les autres espèces qui ne sauraient être réduites à de simples ressources.
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