Camille Lévêque-Claudet revient sur l'émergence des trains dans la peinture
L’apparition du train a modifié le travail des peintres dès le milieu du XIXe siècle. Liberté, vitesse et vapeur ont fasciné les plus modernes d’entre eux
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Aurélie Lebreau
21 juillet 2023 à 18:20
Culture sur rails (3/7) » La Liberté traverse l’été à fond de train, d’où l’on voit le monde différemment.
Il surgit à pleine vitesse d’un vaporeux rideau de pluie. Et franchit la Tamise sur un pont, sombre et imposant, représenté dans une oblique aussi énergique qu’audacieuse. Le train que peint William Turner en 1844 est l’un des premiers de l’histoire de l’art. Dans un grand flou, duquel on perçoit la puissance et la rapidité de la machine d’acier, le peintre met parfaitement en scène le développement du rail qui bouleverse l’Europe au tout début des années 1840 – en France, la première ligne de train, reliant Paris à Saint-Germain-en-Laye, a été inaugurée en 1837. Pluie, vapeur et vitesse – Le Grand chemin de fer de l’Ouest (Rain, Steam and Speed – The Great Western Railway, en version originale), est considéré comme l’un des tableaux majeurs de l’histoire de l’art. Michel Butor, l’auteur de La Modification, l’un des joyaux du Nouveau Roman qui se déroule d’ailleurs dans un train (!), a ainsi placé Pluie, vapeur et vitesse dans son Musée imaginaire, comptant un total de 105 œuvres occidentales.
Trente ans avant les Impressionnistes, Turner encense avec cette peinture, propriété de la National Gallery de Londres, la transmutation du monde et la liberté de déplacement. Conservateur au Musée cantonal des beaux-arts (MCBA) à Lausanne, Camille Lévêque-Claudet a consacré une très belle exposition – Train, Zug, Treno, Tren, Voyages imaginaires – l’été passé à la représentation du train en peinture. Pour La Liberté, il revient sur cette invention qui a fortement marqué les peintres.
Trente ans après que William Turner a signé Pluie, vapeur et vitesse, les Impressionnistes consacrent beaucoup de temps et d’énergie à représenter trains et gares, pourquoi?
Camille Lévêque-Claudet: Très vite, ils voient les lignes droites des rails qui passent sur les courbes du paysage, ils perçoivent la vitesse et les changements majeurs que le train engendre en ville. Pour édifier une gare, il fallait détruire des immeubles, construire de nouveaux boulevards. Des modifications qui ne leur échappent pas. Et surtout, ils s’emparent de ce thème pour se démarquer de la peinture académique. Ils assument les nouveautés qui surgissent, comme les usines, les routes, les gares.
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