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Société

Avoir 20 ans en 2020

De nombreux défis attendent la «génération Covid», de plus en plus distante de ses ainés


 Gilles Labarthe

Gilles Labarthe

30 novembre 2020 à 17:16

Temps de lecture : 1 min

Jeunesse » Deux sociologues publient une étude sur la situation et le désarroi des vingtenaires en temps de Covid-19: les dégâts des confinements sur les parcours de ces jeunes risquent d’être d’autant plus grands que leurs profils sont méconnus – et peu pris en compte par les politiques de prévention, avertissent Claudine Attias-Donfut et Martine Segalen. Ces deux chercheuses françaises «seniors» soulignent les points de ruptures de cette «génération pandémie» et le véritable fossé qui la sépare toujours plus de leurs ainés. Interview.

Dans quel contexte avez-vous réalisé cette étude?

Martine Segalen: Nous avons commencé à travailler sur ce livre en septembre-octobre 2019, donc avant le début de la pandémie et après en avoir écrit un autre sur les grands-parents. Ces questions de génération ont pris une nouvelle importance, avec l’allongement de l’espérance de vie. Maintenant (avec Claudine Attias-Donfut, ndlr) nous sommes de vieilles grands-mères. Nos petits-enfants ont vingt ans... on s’est rendu compte qu’on ne les comprenait plus.

Quels sont ces principaux points de rupture de cette «génération pandémie» que vous présentez ici, par rapport aux générations précédentes?

Ce n’est pas seulement un livre sur la «génération Covid». Nous aurons sans doute besoin de recul pour comprendre ce qui s’est vraiment passé chez les jeunes, avec cette pandémie. Mais par comparaison, il y a des grandes différences par rapport aux vingtenaires des années 1914-18 (souvent qualifiée de «génération perdue», ayant subi la Première Guerre mondiale et la crise économique de 1917) ou des années 1940: les jeunes entraient très tôt dans la vie active, se mariaient, fondaient un foyer... Les choses ont changé depuis la génération de 1968 et la libéralisation des mœurs, l’amélioration des droits sociaux et la fin de la famille «traditionnelle». Ces étapes de la vie ont été repoussées de plus en plus tard.

Et aujourd’hui?

Il est difficile de généraliser sur la jeunesse, qui est faite d’une grande diversité sociale et de tranches d’âges plus larges. Or, c’est la première tranche d’âge affectée par cette pandémie, avec des conséquences qui risquent de se poursuivre tout au long de la carrière au niveau de leurs études, de leurs diplômes, de leur entrée dans la profession… Quand on parle de ruptures entre générations, ce n’est pas seulement en opposition avec les archétypes de la génération précédente. Nous en parlons surtout en termes de culture «horizontale»: les jeunes d’aujourd’hui font comme si le savoir de leurs ainés ne les concernaient plus. Ils sont «en-dehors», vivent avec internet et les réseaux sociaux une culture «entre pairs», entre jeunes d’un même groupe d’âge, qui organisent et partagent leurs propres modes de vie, téléphone portable à la main, pour y trouver leurs ressources.

Vous la définissez aussi comme une «génération postmatérialiste»…

Le premier défi dont ils parlaient avant la pandémie, c’est le défi écologique, faire en sorte que la vie soit différente de nos valeurs consuméristes pour éviter les conséquences du réchauffement climatique. On le voit aussi dans les trajectoires de jeunes diplômés, dans leur préférence pour expérimenter d’autres formes de production, de travail, qui aient un sens. En automne 2019, la conjoncture économique n’était pas si mauvaise. Cette génération «qui innove» était aussi «mobile» et «internationale», elle avait «le monde dans la main», pas seulement dans ses habitudes de consommation liées à internet (via les sites de services, de diffusion et de vente en ligne, Uber, Airbnb), mais aussi dans ses projets de stages ou d’études à l’étranger. C’est ce qui leur fait tellement mal en ce moment: les programmes Erasmus, les stages prévus en Angleterre, aux Etats-Unis, en Asie ou en Australie… toutes ces expériences internationales qui font partie de leur culture sont à l’arrêt.

Qu’est-ce que le confinement a aussi mis en évidence, concernant cette génération?

Nous l’avons aussi qualifiée de «jeunesse en grumeaux». Les origines et situations sociales des vingtenaires sont très diverses, mais la pandémie a montré que beaucoup ne pouvaient pas simplement revenir passer le confinement chez leurs parents. Soit parce que la cohabitation se passait mal, soit parce que les parents étaient eux-mêmes séparés ou vivaient désormais ailleurs…

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